Du bon usage de l'ethnicité..

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niap
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Du bon usage de l'ethnicité..

Message par niap » 17 août 2012 16:03

Du bon usage de l'ethnicité...

Nous avons commencé, le vendredi 13 juillet, une série d'été qui puise dans le riche fonds d'archives du « Monde diplomatique », désormais disponible sur DVD-ROM. Dans les années 1990, avec les guerres dans les Balkans et le génocide rwandais, apparaît la notion de conflits « ethniques » ; elle prétend, largement à tort, s'appuyer sur nos connaissances de l'Afrique.

En quelques années, notamment sous l'influence des conflits dans l'ex-Yougoslavie, le concept d'« ethnie » s'est imposé sur la scène médiatique. Mais il faut toujours se méfier des termes que l'on emploie trop facilement...
par Catherine Coquery-Vidrovitch

« Ethnie », « ethnicité » : voici des mots qui servent aujourd'hui à tout, donc à rien. Les commentateurs les utilisent le plus souvent à tort et à travers. Il paraît urgent de remettre un peu d'ordre afin de savoir ce que l'on veut dire, quel concept se cache derrière le mot.

Sait-on, d'abord, l'histoire du terme « ethnie » ? Il serait apparu en 1787. Les variations de sens vont, en deux siècles, passer d'un extrême à l'autre, tantôt laudatif, tantôt péjoratif. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, le sens était aussi précis qu'il est oublié aujourd'hui : celui de « païen » (dictionnaire Littré). Les « ethnies » étaient les peuples non chrétiens : autant dire, à l'époque, les sauvages (la seule « civilisation » alors digne de ce nom étant la civilisation judéo-chrétienne...). C'est dans les années 1880, avec l'apparition de l'impérialisme colonial, que le mot est récupéré par l'ethnographie (le métier d'ethnologue apparaît en 1870). Le concept d'« ethnie » est alors popularisé par les scientifiques allemands, à partir d' etnikum ; on quitte, pour désigner les « non-civilisés », le domaine strictement religieux ; mais, à travers les thèses pseudo-scientifiques en vogue à l'époque, une confusion évidente s'établit entre les sens racial, linguistique et psychosocial.

Changement de cap au temps des décolonisations, vers 1950 : les coloniaux ayant usé et abusé du mot « tribu » pour décrire les peuples autochtones, celui-ci a fini par prendre, en Afrique noire, une connotation péjorative (mais le mot demeure usuel au Maghreb, où il sert toujours à désigner les groupements nomades). Les « anthropologues » (lui aussi mot noble, puisqu'il affirme étymologiquement une science de l'homme) redécouvrirent alors le mot « ethnie ». Il fut régénéré en Afrique noire, lié à l'idée que ces peuples précoloniaux avaient, comme les autres, une histoire, aussi digne d'intérêt que les autres.

Mais d'où vient qu'aujourd'hui tout ce qui a trait à l'ethnicité soit, à nouveau, implicitement synonyme de sauvagerie ? C'est parce qu'on utilise le même mot pour désigner un contenu différent suivant les temps de l'histoire.

Le « sentiment ethnique » tel que compris par les historiens, c'est tout simplement le fait national précolonial. Il désigne un moment bien particulier : celui qui précède la conquête. Les peuples alors indépendants ont connu, à leur façon mais comme ailleurs, un processus de constitution de « nations », c'est-à-dire la conscience d'appartenir à une communauté linguistique, culturelle et politique héritée d'un passé commun. Mais, bien sûr, toute collectivité soucieuse de légitimer son histoire était prompte à la réinterpréter idéologiquement au nom d'une « parenté sociale » rêvée ou reconstituée à travers des « mythes d'origine » (tous seraient plus ou moins descendus du même ancêtre).

A l'époque coloniale, un double courant consolida ces vues : d'une part, l'ethnographie coloniale fut trop contente de figer ces réalités mouvantes à l'intérieur de territoires stables, propres à faciliter dénombrements, levée de l'impôt et recrutements de travailleurs : les « ethnies » devinrent « tribus » ce qui permettait doublement d'évacuer l'idée de « nation », domaine réservé de l'Etat occidental. D'autre part, le rejet du modèle blanc incita les Africains à entrer dans ce jeu : l'oppression favorisa la quête désespérée d'un ré-enracinement identitaire ; le sentiment ethnique devint revendication de leur différence : il se rigidifia, voire s'inventa comme autonome et ancien (...)
Lire la suite de cet article de Catherine Coquery-Vidrovitch :

http://www.monde-diplomatique.fr/7336
Et pendant ce temps là, papon, libre jubile
l'état n'est pas ingrat quand on lui est servile
Chassant négligemment d’un revers de la main
L’image des enfants qui partent dans les trains

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