Les parasites du PIND !

Ici on cause, on débat, on discute, on s'engueule, on recherche des trucs, en lien plus ou moins direct avec le punk DIY / Punx with brainz !
bub
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Les parasites du PIND !

Message par bub » 30 juin 2021 10:10

EDIT ADMIN : ca fait plusieurs fois qu'on les évoque, ces ridicules parasites trop en vue (non, pas dans la scène punk vivante, c'est sur !), ils ont bien mérité leur propre sujet en ces lieux !

(post initialement publié sur le topic Lecture)


Deux livres du PIND (bah oui, on se force un peu, on se tient au courant)

Des cris et des crêtes (O. Migliore) : une analyse poussée musicologique (à l'aide de logiciel musicaux) sur 7 canons du punk français : Clé de contact (Métal Urbain), Fier de ne rien faire (Olivensteins), Get baque (Starshooter), La bière (Garçons Bouchers), Les athletes (LV88), Porcherie (BXN), Pour la gloire (CS) : on ne saura pas pourquoi ce sont ces chansons qui ont été choisies mais passons... (quoiqu'on soupçonne un peu !)
Tout d'abord le travail de relecture est bien naze, un paragraphe est coupé au milieu, les graphiques sont illisibles et des informations y manquent. C'est un travail de thésard mal retranscris à la mode livre, ca sent la recherche documentaire avec des extraits de manuel utilisateur sur les logiciels utilisés (" J'utilise Ctrl D + Alt P pour accéder à l'information de tempo", le genre d'info crucial...) et même un peu d'explication sur comment utiliser Excel.
Bref, si on se concentre sur l'info utile et digne d'intérêt, on apprend finalement que ces chansons mélangent bien le fond et la forme, à savoir (et je reprends la conclusion) "Insolents, moqueurs, militants, satiriques, agressifs, nombreux sont les adjectifs que nous avons employé pour qualifier les personnages lexicaux, vocaux, prosodiques et musico-littéraires mis en œuvre par les premiers punks français." (Dans une thèse, on est toujours le roi/la reine, on dit pas "je" mais "nous")
Grosso modo, l'analyse des paroles, de la structure des chansons et de la scansion sur le rythme punk de base montrent un je m'en foutisme des règles musicologiques et une approche DIY : comme c'est expliqué "Le punk met en avant son pouvoir faire avant son savoir faire". D'un point de vue linguistique, par exemple le punk se permet de chanter les e muets : une hérésie, faut en convenir.
"Le punk", en l'occurrence il n'y a que des chansons de groupes masculins. Ceci dit, on apprend aussi que la chanson de Métal Urbain dénonce le sexisme (ce que j'avais pas très bien compris au début) : Je cite : "Le but est ici de choquer par l'obscénité des propos tenus, de dénoncer le sexisme par une mise en scène lexicale violente. Le chanteur les profère par ailleurs avec sérieux, avec le même premier degré que s'il s'agissait de propos antifascistes". L'honneur est sauf, Jean-Louis Costes nous a appris que pour dénoncer il faut pousser le bouchon le plus loin possible. Du coup, on peut tout dire et son contraire sur un texte, il suffit de dire que le punk est antisexiste de base et il a tous les droits.
Au final, l'analyse musicologique (ou prosodique) est très intéressante, bien que très experte. Le gazier a fait sa thèse également sur la musique rap. Du coup, et ce qui est vraiment dommage , c'est que ca manque un peu de mise en parallèle sur ces aspects au niveau des registres : punk vs rap vs chansons française vs opéra... Sinon, au niveau du ressenti ca fait un peu monsieur Jourdain : "Par ma foi ! il y a plus de quarante ans que je dis de la prose sans que j’en susse rien, et je vous suis le plus obligé du monde de m’avoir appris cela."

Fun et mégaphones (P. Rabaud) : "l'émergence du punk en Suisse France RFA et RDA.". Comme j'adule Slime et Schleim Keim, j'étais pas mal à fond. Et puis j'ai fantasmé sur le mégaphone des manifs avec la scansion (pour le coup) des slogans sur rythme punk. Bon, c'est pas le bouquin. En gros, c'est une analyse universitaire sur les points communs et les différences entre ces scènes qui sont apparus de manière décorrélée et les liens entre le militantisme (mégaphone) et la fin de l'ennui (fun). Tout ca pour dire que pas mal de punks, on avait rien à péter de la politique (de l'antisexisme) mais c'est la provoc pour la provoc (comme l'art pour l'art) particulièrement en Suisse et à Cologne. Comme il dit "le punk authentique n'existe pas" mais celui tout en toc sûrement ? Bon j'avoue que je n'en ai rien ressorti de particulier à cette lecture, surtout qu'il cite Nyark nyark, Rebelles, Too much future... autant lire les bouquins de références à mon avis...

Pour les amateurs, il y a un appel à contributions de PIND : "Ce qui s’est joué à travers Bérurier Noir dans ses quelques années d’existence, ce qui s’est exprimé dans ses chansons est ce qu’il nous faut éclairer aujourd’hui pour en comprendre l’importance et la portée. C’est pourquoi nous appelons toutes les personnes intéressées à participer à ce travail de mémoire collective visant à rappeler ce que fut ce groupe, cette période, cette liberté et cette folie." http://pind.univ-tours.fr/wp-content/up ... Beru-1.pdf
Peut-être un moyen de relever le niveau. Avec PIND, on dirait que la culture est juste morte et analyser les ruines du passé, ca permet de replonger dans la nostalgie d'une époque. Punk is dead et on en fait l'autopsie. Crénom, il faut s'ouvrir sur le no futur actuel !

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Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Message par kolonel muller » 30 juin 2021 13:03

bub a écrit :
30 juin 2021 10:10
Grosso modo, l'analyse des paroles, de la structure des chansons et de la scansion sur le rythme punk de base montrent un je m'en foutisme des règles musicologiques et une approche DIY
WOW !!! Combien d'années de travail universitaire éreintant pour en arriver à une conclusion aussi fracassante ?? :lol:
Mon vrai nom c'est FRED :-)

Yanic

Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Message par Yanic » 30 juin 2021 21:40

bub a écrit :
30 juin 2021 10:10
C'est un travail de thésard mal retranscris à la mode livre, ca sent la recherche documentaire avec des extraits de manuel utilisateur sur les logiciels utilisés (" J'utilise Ctrl D + Alt P pour accéder à l'information de tempo", le genre d'info crucial...)
La plaie des écrits des universitaires qui se sentent obligés de partager publiquement leur travail scolaire, au lieu de réserver cette torture à leurs directeurs de thèse et leurs examinateurs.
Ça m'a toujours choqué qu'ils puissent relire ça en vue d'une publication sans penser qu'on se fout de leurs "utilisant la méthodologie de...", "tel que défini par Bourdieu dans...", et que lu à chaque page, ça agace le lecteur. Oui, ça c'est juste valable pour montrer qu'on est un sachant sachant des trucs et appliquant la méthode pour avoir une bonne note ( le fond n'est qu'un prétexte à citer les bonnes références apprises dans son cursus), mais le lecteur s'en fout même quand le sujet l'intéresse ! Je me souviens de la lecture d'un livre sur les squats lyonnais gangrené par ça, quasi-insupportable.
bub a écrit :
30 juin 2021 10:10
Avec PIND, on dirait que la culture est juste morte et analyser les ruines du passé, ca permet de replonger dans la nostalgie d'une époque. Punk is dead et on en fait l'autopsie.
Plus simplement, une maxime en chanson permet de faire le tri : "y'a ceux qui vivent leurs idées, y'a ceux qui veulent en vivre !".
Et tout ce petit groupe de parasites chercheurs d'hôtes, ils ont bien trouvé le filon ! Manquerait plus qu'on les aide à devenir primo-accédants d'un joli pavillon dans l'arrière-pays bordelais ! :evil:

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Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Message par bub » 01 juil. 2021 13:30

Yanic a écrit :
30 juin 2021 21:40
une maxime en chanson permet de faire le tri : "y'a ceux qui vivent leurs idées, y'a ceux qui veulent en vivre !".
@Yanic : est ce que tu pourrais citer tes références parce que je ne connais cette chanson et mes recherches documentaires très poussées ne m'ont pas permis de retrouver la source discographique... :lol:

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Chéri-Bibi
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Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Message par Chéri-Bibi » 02 juil. 2021 1:45

Trois lettres (pas mieux) : OTH

IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI
Nous tournons en rond dans la nuit et le feu nous dévore

Yanic

Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Message par Yanic » 02 juil. 2021 21:47

bub a écrit :
01 juil. 2021 13:30
Yanic a écrit :
30 juin 2021 21:40
une maxime en chanson permet de faire le tri : "y'a ceux qui vivent leurs idées, y'a ceux qui veulent en vivre !".
@Yanic : est ce que tu pourrais citer tes références parce que je ne connais cette chanson et mes recherches documentaires très poussées ne m'ont pas permis de retrouver la source discographique... :lol:
Si j'étais un membre éminent des élites du PIND (coucou les parasites !), je t'aurais fait un paragraphe imbitable de 20 lignes sur la non-représentation de ce morceau parmi le corpus objet de l'étude et les biais qui permettent de le comprendre. J'aurais proposé ensuite de diriger notre réflexion autour de l'unité et la diversité au sein de la scène punk pour pouvoir la comprendre, puis apporté une nouvelle dimension à cet axe en y intégrant l'autogestion et le rapport que le punk a avec la société. Et pour rigoler, nous aurions fièrement annoncé que nous allions définir cette relation antagoniste à travers la problématique que nous avons finalement extraite. On se serait bien marré !
(exagéré ? Pensez-vous, copier/coller d'un mémoire d'étudiants en anthropo sur Radio Canut, j'ai juste changé 3 mots ! Ca a l'air prometteur présenté comme ça, mais au final, ça aboutit juste sur 2 pauvres banalités (sentiment cruel de se dire "nan, c'est tout ? Les analyses promises, elles sont où ?"), un peu comme les conclusions de nos chercheurs es-punkologie.)

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Re: que lisez-vous en ce moment ? - le retour -

Message par Geekmou L » 07 juil. 2021 19:45

Yanic a écrit :
02 juil. 2021 21:47
bub a écrit :
01 juil. 2021 13:30
Yanic a écrit :
30 juin 2021 21:40
une maxime en chanson permet de faire le tri : "y'a ceux qui vivent leurs idées, y'a ceux qui veulent en vivre !".
@Yanic : est ce que tu pourrais citer tes références parce que je ne connais cette chanson et mes recherches documentaires très poussées ne m'ont pas permis de retrouver la source discographique... :lol:
Si j'étais un membre éminent des élites du PIND (coucou les parasites !), je t'aurais fait un paragraphe imbitable de 20 lignes sur la non-représentation de ce morceau parmi le corpus objet de l'étude et les biais qui permettent de le comprendre. J'aurais proposé ensuite de diriger notre réflexion autour de l'unité et la diversité au sein de la scène punk pour pouvoir la comprendre, puis apporté une nouvelle dimension à cet axe en y intégrant l'autogestion et le rapport que le punk a avec la société. Et pour rigoler, nous aurions fièrement annoncé que nous allions définir cette relation antagoniste à travers la problématique que nous avons finalement extraite. On se serait bien marré !
Ca a l'air prometteur présenté comme ça, mais au final, ça aboutit juste sur 2 pauvres banalités (sentiment cruel de se dire "nan, c'est tout ? Les analyses promises, elles sont où ?"), un peu comme les conclusions de nos chercheurs es-punkologie.
bub a écrit :
02 juil. 2021 7:48
l'époque des cassettes enregistrés ou les paroles étaient en option... ya eu un sujet là dessus sur le forum, non ?
Il y est toujours !
ah ah ah

c'est un peu le problème des sciences sociales, il y a souvent une surenchère dans les concepts alors quand en plus tu jongles avec cela devient vite difficile à suivre.

Même Judith Butler a parfois des montées :

Le passage d’un récit structuraliste dans lequel le capital est compris comme structurant les relations sociales de manière relativement homologue, à une conception de l’hégémonie dans laquelle les relations de pouvoir sont soumises à la répétition, à la convergence et à la réarticulation, a introduit la question de la temporalité dans la pensée de la structure, et marqué le passage d’une forme de théorie althussérienne qui prend les tonalités structurelles comme objets théoriques à une forme dans laquelle les aperçus de la possibilité contingente de la structure inaugurent une conception renouvelée de l’hégémonie comme liée aux sites et aux stratégies contingentes de la réarticulation du pouvoir


Des petits malins se sont d'ailleurs amusés à voir si l'on pouvait être publié sur du vent et c'est passé...

https://www.lexpress.fr/actualite/monde ... 38439.html
instaurare omnia in Christo

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Sociologie du punk (trop longue chronique acerbe)

Message par bub » 04 janv. 2022 14:27

-> Pierig, si tu passes par ici (avec une google-isation adéquate d’un auteur qui cherche du retour sur son ouvrage), passe ton chemin, je n’ai rien contre toi mais contre la surpunxploitation des docteurs és punk en particulier avec le projet PIND)

Je viens de terminer « A corps et à cris - Sociologie des punks français » de Pierig Humeau. Dans la grande tradition universitaire des subcutural studies et comment dire, pas convaincu serait un faible ressenti ? Pourtant c’était plutôt alléchant, « un sociologie parmi les punks, un punk parmi les sociologues », sauf que le punk n’existe plus dans cet ouvrage qui devient un nouvel pierre sur l’autel bourdieusard de la sainte sociologie. (On aurait pu croire qu’un punk rigolo allait intenter un blasphématoire « ni Bourdieu ni maître » mais non...).
Reprenons au début : le titre « A corps et à cris » j’imagine formé sur l’expression « à feu et à sang » pour flirter avec le côté dévastateur du punk. Une bonne trouvaille ? Sauf que dommage, côté originalité, ça tombe là : le titre est également celui d’une BD féministe A corps et à cris d'Eve Cambreleng (paru en mai 2021). Le bouquin punk lui date de Juin 2021. Hasard des calendriers. Le clin d’œil devient peut-être inadapté (quel corps ? quel cri ?). En même temps il faut reconnaitre que ça renforce les liens entre punk et féminisme... Le sous-titre « Sociologie des punks français » est très présomptueux. Il faudrait lire « études sociologiques principalement dans la région Grand Ouest entre 2000 et 2010 ». Je sais c’est moins vendeur mais, au moins, on ne trompe pas sur la marchandise.
Pour faire court rapide description mal dégrossie : 4 parties indépendantes (comme le souligne l’introduction et déjà c’est là que ça devient problématique, indépendantes ?) :
1. analyse historique social : les origines sociales détaillées des musiciens des sex pistols et des clash, des groupes proto punks genre starshooter ou dogs et un truc sur les bérus
2. analyse social d’entrée dans le monde punk... Pardon ? Attention, n’entre pas qui veut, il faut être prédisposé : « vous qui entrez ici laissez toute espérance ». Bon, pourquoi pas, sociologiquement, on peut raconter ce qu’on veut avec une bonne paire de stats... Perso, je ne me reconnais pas...
3. analyse sur la manière d’être du punk : corps langage. Bon, pourquoi pas. J’y reviendrai
4. analyse ethnographique : c’est le côté « Triste Tropiques », mais en même temps c’est peut-être la partie la plus touchante. Notre auteur est (a été ? c’est pas très clair) punk et raconte l’histoire de son groupe en essayant d’en tirer un enseignement. Ya un petit côté « Rock et production de soi » -le bouquin de Dominique Tassin- dans l’univers punk. On y rencontre des personnages connus et notamment notre défunt Fab des Maux de la rue, ca m’a fait tout drôle de le retrouver là... « Ca y est les souvenirs resurgissent. Et subitement c'est la panique. Les rêves de liberté affluent. Du temps ou t'écoutais les Bérus. ». Je m’écarte, mais là encore c’est une supposition parce que l’ethnographe ne donne aucun indication sur les noms de groupes rencontrés. A part les quelques gloires de comptoir genre Oberkampf ou Tagada Jones. Serait-ce de la pudeur ? Le risque d’être trainé en justice par un obscur groupe punk qui refuse de se voir jeté en pâture dans une analyse socio ? Je ne pense pas. Pour moi, sur cet autel bourdieusard on ne pouvait pas se permettre de salir l’analyse avec des anecdotes genre « on s’appelle RAB Hop, on a joué avec GammaGT, Les Putes de l’autoroutes, Cyprine, les Consanguins, Fist on Morback et Rien A Branler (RAB) ». – Et d’ailleurs, j’ai de bons souvenirs avec les 3 derniers groupes cités- Et non, la scène punk est pas exactement synonyme de bon goût. Et quand on se réfère à « la Distinction » de Bourdieu, ben le capital total en prend un coup... Pour plus de détail, on pourra retrouver l’histoire du groupe de l’auteur (RABHOP) sur « internet est ton ami ».

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Re: Sociologie du punk (trop longue chronique acerbe)

Message par bub » 04 janv. 2022 14:28

Mais revenons à nos moutons.
On en était au sacrifice du bouquin sur l’autel punk, ou au sacrifice du punk sur l’autel bourdieusard, je ne sais plus. Bref. Ce livre est ramassis de jargon sociologique. J’ai été d’emblée arrêté dans ma lecture par des termes abscons au pauvre punk que je suis : « prosopographie » ou « hexis corporelle ». Alors fièrement j’ai sorti mon petit Robert de 2006 et malheur ces mots n’y figurent pas. Hey ho, let’s go to « internet est ton ami ». Sérieusement à qui s’adresse ce livre ? Si c’est pour les ami-es sociologues, qu’est ce qu’ils en ont à foutre du punk ? Si c’est pour les punks, pourquoi ne pas redescendre dans la plèbe et parler avec un langage compréhensible. Pour le langage incompréhensible, il y a un truc qui s’appelle « publications dans des revues spécialisées » ou l’objectif c’est d’en foutre plein la vue à ses « pairs » pour se la jouer plus tard dans les financements universitaires. Je suis méchant parce qu’on comprend quand même les idées principales mais par exemple : « Cette mécanique de conversion d’un capital institutionnel négatif pour reprendre l’expression de -bidule et trucmuche-, en capitaux actifs se pose tout autant dans le cadre des conditions ordinaires de productions et de reproduction des pratiques alternatives » : Qué ? Keskidi ?
Le côté positif c’est que chaque phrase est savamment justifiée (la justification de ton propos, mon ami-e, voilà la vraie science) : chaque page propose une flopée de références en note de bas de page. Ya pas à dire, notre auteur a fait ses classes, il connait ses classiques. Les ami-es sociologues en seront pleinement satisfait-es. Et c’est vraiment un côte positif (en fait, il y a quand même des côtés positifs au livre sinon je me faderai pas une critique de plusieurs paragraphes) parce qu’on se rend compte que l’ouvrage s’inscrit dans une tradition sociologique et que le punk s’inscrit lui aussi dans une tradition de phénomènes sociologiques qui ont tous été plus ou moins bien décryptés - Ce livre ayant pour vocation de décrypter le phénomène punk mais sans y arriver - à mon avis-. D’ailleurs ca m’a donné envie de lire « Disorder, Histoire sociale des mouvements punk & post-punk ». Ce qui est, je trouve, l’intérêt de ce type d’ouvrage c’est d’ouvrir sur des approches nouvelles, des lectures nouvelles et de s’émanciper petit à petit.

Mais revenons sur l’autel bondieusard... euh non bourdieusard pardon avec sa vision féministe. L’auteur s’essaye plus ou moins maladroitement dans l’analyse de genre. Après tout il a rédigé préalablement - il y a presque 10 ans - un chapitre « Punks mais….Femmes». On imagine un parti pris plutôt féministe. Tsoum tsoum. Et de fait on aperçoit une très timide incursion dans l’écriture inclusive. (en fait un seul mot enquêtées et seulement de temps en temps, on retrouve très souvent enquêtés). Et alors quoi, on assume pas l’écriture inclusive ? Plus tard dans le bouquin on parle de l’ « engagement total » du punk. Ici l’engagement est vraiment limité. L’écriture inclusive, on le dit et redit, nuit à la lecture et il faut ménager ses ami-es sociologues. D’autant plus quand la méthodologie à base de questionnaire fait uniquement référence à la catégorie socio professionnelle (CSP) du père. Chez le sociologue la mère n’existe pas, ou sa CSP, on s’en cogne profondément. Après tout, les punks sont à 90% des hommes et ne dis-t-on pas « tel père tel fils ». Et puis le patriarcat est toujours présent après tout, pourquoi s’embêter. Paye ton punk, révolté contre le système de grille d’analyse sociologique. On applique les standards et on ferme sa gueule. L’objectif, c’est que l’ouvrier-e devienne roi. Va pour la croissance sociologique continue, chacun-e doit toujours faire mieux que ses parents, ascension social, etc... Ah bizarre il y en a toujours qui croupissent au fond, bizarre, notre analyse ne marche pas... bizarre bizarre...
D’ailleurs c’est la même chose avec les grilles de lecture « capital culturel vs capital militant ». On déroule consciencieusement les normes. La vie est une accumulation de capital (tiens pourquoi ça me fait penser à ce gros mot genre capitalisme). D’ailleurs, l’auteur réussit à nous évaluer le « capital punk » des individu-es. Franchement, le « capital punk du punk anticapitaliste » ya de quoi se marrer avec un peu de recul !!! Le sociologue en herbe ne recule devant aucune contradiction.

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Re: Sociologie du punk (trop longue chronique acerbe)

Message par bub » 04 janv. 2022 14:28

Parce que somme toute cet ouvrage manque singulièrement de recul et de réflexion. Les analyses sociologiques sont là, appliquées scolairement mais il manque ce qui fait le sel de la vie : la compréhension du phénomène, un engagement dans une thèse (au sens premier), une prise de position. Quel est l’intérêt du bouquin ? On se demandait à qui, maintenant on se demande pourquoi.
Finalement l’objet principal du livre, le punk, n’est jamais défini. Ce qui est quand même fort de café. Et on sent bien que c’est un terrain glissant. Avec la première partie, qui esquisse le débat de manière édulcoré : clash vs sex pistols. Moi j’aurai dit punk is dead vs punk’s not dead. On sent que le punk est une musique crasseuse, une musique d’exploité-es. D’ailleurs, ca ressort en filigrane du bouquin, c’est une musique qui nait aussi dans les mouvements autonomes, une musique aujourd’hui principalement d’ouvrier-es, de chomeurs-ses en marge. Et qu’est ce qu’iels font pour exprimer leur haine les ouvrier-es, iels dansent sur les ruines du système, sur la gueule de leur petit patron de merde.
Dans le bouquin, encore en lisant derrière les lignes, on comprend que le/la punk française, objet de l’analyse, c’est la personne qui participe à des concerts punk, ou des concerts avec un groupe dénoté punk sur l’affiche. Et après l’auteur s’étonne presque qu’il y ait des nouveaux venu-es qui repartent vers d’autres musiques. La première chose que j’attendais de son questionnaire c’était la question : « est tu punk ? si oui pourquoi ? » Réponse genre exemple : « Ben oui je suis punk, c’est compliqué de dire pourquoi mais je rejoins le mouvement punk international ». Mais apparemment c’est le travail du sociologue de décider qui est punk qui ne l’est pas... On ne sait même pas combien il y a de punks en France, paye ton analyse de la société francaise ! « Et pourtant ils existent »
Autre travers du bouquin, c’est l’analyse de la trajectoire du punk typique « le vieillissement politico-artistique » comme on dit en bonne sociolangue (la novlangue du sociologue). Je vais opposer la synchronie à la diachronie (en gros une étude de la langue à un instant donné genre aujourd’hui - synchronie, et une évolution de la langue au cours des siècles, du vieux français au français actuel - diachronie). A partir d’une situation donnée des questionnaires en 2005 pour faire court, le sociologue en déduit une évolution du punk dans la vie, je cite : nouveaux venus -> nouveaux venus affranchis -> établis en voie de consécration -> avant-garde établis. (on sent la grille d’analyse réutilisée du phénomène de bande, voire la « dynamique des groupes restreints » d’Anzieu). Bref, hormis le côté rigolo qui ne cadre pas du tout avec la réalité, il faut prendre en compte que l’objet punk, avec ce qu’il recouvre, a évolué au cours du temps et surtout et c’est le point clé, l’objet punk a été réapproprié par d’autre personnes qui en ont fait autre chose. On ne vit pas dans un univers figé.
On sent que le punk, c’est une musique de révolte, l’avant-garde subtile est balayé par les ouvrier-es qui se réapproprient le truc, fini oberkampf place aux putes de l’autoroutes et autres vieilles salopes, fini tagada jones et place aux gammaGT et autres bitOcul. -Et adieu les sirènes de la gloire, la carrière est foutue dès le début avec un nom pourri- Voilà le genre de thèse qui aurait de la gueule : le punk c’est la musique qui remobilisent les révolté-es pour cracher sur la domination et s’émanciper de leur condition et sociologiquement on le démontre avec l’engagement total dans la musique. Le corps punk qui danse n’est pas au coin du feu à écouter les rengaines folk, le corps punk vibre dans la musique saturée hargneuse comme en manif, l’envie punk n’est pas de d’exploiter son capital punk pour générer de la thune comme dans le rap capitaliste (qui ne s’embarrasse pas du problème, si ca tourne on exploite le système et on profite jusqu’à l’os - et pourquoi pas d’ailleurs - c’est une autre démarche, y en a un-e qui s’en sort pour cent qui galère -> le punk serait plus... collectif ?). Quel est le sel du punk point de vue musicale ? pourquoi pas écouter du rap funky ou de la techno ultracore ?
Premier aparté : : je viens de finir également « Le Musée imaginaire des œuvres musicales » de Lydia Goehr, un super livre pour le coup également tiré d’une thèse avec un engagement concret de l’auteure. Pour faire court, l’auteure définit l’an 1800 comme apparition de l’œuvre. En gros, l’œuvre c’est l’accomplissement de l’artiste, une approche basé sur l’art pour l’art. Et par exemple Bach n’a pas fait d’œuvre musicale mais Beethoven si. Je résume maladroitement les 570 pages d’analyse. (Le bouquin de Humeau fait 360 pages, la thèse a toujours beaucoup à raconter). Maintenant, j’extrapole... l’artiste s’accomplit dans la réalisation d’une œuvre. Le traitre Warhol nous apprend qu’on est tou-tes artistes, Velvet Underground - proto punk. Et du coup notre vie devient l’accomplissement d’une œuvre, on se met en scène, on se la raconte sur face de bouc, etc... L’individualisme devient la disparition du collectif, etc... Je me demande toujours quel est le but du groupe punk de produire ses morceaux sur CD ou LP toujours plus classieux, de se vendre sur bandcamp ou autre discogs : alors qu’au final, la plupart des groupes fond de la redite, « tiens ca sonne comme Oberkampf ou Tagada Jones ». On peut pas revenir à la base : « artisans du chaos », on fait de la musique pour l’ambiance pas pour notre visibilité ou notre ego surdimensionné... Mais je m’égare, reprenons sur l’agneau sacrifié du punk...
Une autre proposition de thèse : le punk comme phénomène culturel qui, tout en réorientant la colère populaire vers la musique, à détruit les velléités de révolution. C’est moins rigolo tout de suite mais pourquoi pas ? les gilets jaunes c’était pas trop punk à la base... Dans le même temps est ce que les squatt punks ne sont un application du principe de David Graeber : vivre « comme si nous étions déjà libre ». (Je l’avais initialement lu dans un fanzine punk avant de le relire théorisé par Graeber). La vie en collectif, en groupe, le groupe punk dispose-t-il toujours d’un leader, comment sont prises les décisions, comment est appliqué le consensus. Sociologie des « groupes » punks français.
Deuxième aparté : Je pensais à la réflexion punk sur le prix libre, qui a déjà été pris à parti par Trotski nautique (après les Trotskids, il y en a que le communisme fait exister !!!). En fait, quand j’étais minot à l’église, la quête était déjà basée sur le prix libre : tu donnes ce que tu peux et même un bouton de culotte si tu n’as pas la piécette. C’est marrant cette analogie autour de la foi, l’engagement total c’est aussi y croire complétement. Tiens au fait dans le questionnaire du sociologue, yavait pas la religion des parents, c’est pas intéressant de connaitre l’origine ethnique des punks français (-aborder par la religion est un début-) ? on savait qu’ils étaient mâles à 90% on se doute qu’ils sont majoritairement blancs. Mais c’est encore tabou chez les sociologues, le racisme est tabou quand à proposer un début d’explication c’est encore plus lointain... La scène punk internationale et son intersection en France. L’intersectionnalité chez les punks, les Ladyfest, ya tellement de trucs chouettes à dire ! (voir le dernier bouquin chez Payot qui traite du sujet)

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