Ok, j'avais dit qu'il fallait arrêter l'escalade et qu'il fallait mieux s'éclipser, et je continue de le penser. J'ai réfléchi pendant deux jours s'il fallait m'exprimer ici une dernière fois, ce matin je me suis réveillé en me disant que "oui". Sans doute que dans 10 minutes je le regretterais ou me mettrais à douter, mais bon...
Je met ici cependant une dernière intervention, comme une sorte de "communiqué final", et cette fois, je m'éclipse pour de bon. Ce type de communication ne fonctionne pas et ne tient pas ses promesses et contribue à rendre le message complexe et illisible.
1) Sur le fond, mes intentions et mon objectif / ma volonté à la base était simplement de réagir à ce qui m'apparaissait comme un constat que j'associe à une forme de "défaite" (en gros : on parle de créer un objet (pas de mépris avec l'utilisation de ce mot ici, ok ?) qui raconte un bout de l'histoire punk, et on imagine direct placer cet objet dans une perspective et une proposition disons de livre "classique", "conforme"). Je pointe pas le fait qu'un individu cherche à grailler et à trouver de l'argent pour vivre, non, ça il me semble avoir dit à plusieurs reprises que c'était pas discutable en soit... mais juste l'idée que peut-être on arrivait plus collectivement à imaginer que la "forme" avec laquelle on entendait partager des bouts de la culture punk pouvait raconter en elle-même des bribes du message punk. Disons, sans me prendre pour un "philosophe", juste tenter de nous placer à un autre niveau de "réflexion" et réfléchir ensemble au fait que peut-être on avait perdu le gout mais peut-être même aussi la capacité de "conceptualiser" des liens entre nos modes d'action et les impacts des choses qu'on essaie tous et toutes de faire pour vaguement "infléchir" le réel et tenter de "changer le monde". En gros, sans faire 20000 lignes dessus : le punk DIY, en tout cas une frange de ce monde, pose comme principe que la forme qu'on donne à nos actions et nos discours va être aussi un élément de notre message. Que cette façon de redistribuer les cartes, de reprendre l'initiative, de tenter de se réapproprier nos "moyens" a eu un impact sur le réel et à forgé au minimum deux générations de punks qui, pour simplifier disons, ont tenter de ne plus être uniquement des "consommateurs" de slogans et d'objets culturels révolutionnaires, mais aussi des acteurs. Deux générations de punks qui ont tenter de ne plus se conformer à l'impératif ultime de la société marchande qui veut nous faire nous laisser sagement dans nos cases, prédestinés par nos races, nos genres, nos classes. Qui nous affirme que le monde doit être gérer par des "spécialistes", des professionnels, y compris quand il s'agit de politique et que donc, "l'efficacité" ultime consiste à rester à nos place et laisser faire. Ces punks se sont mis à investir des terrains où ils/elles étaient pas destinés parler, créer, produire, être. Je ne me crois pas investi d'un statut de "représentant", de "leader charismatique", et ce n'est pas "ma" scène. Juste je me suis trouvé là, par hasard, comme plein de gens. J'ai pris gout à ces formes de réappropriation. Je les d'abord vécut comme une mini-révolution personnelle, auto-centrée sur moi, puis avec les années, j'ai eu le sentiment que ces victoires là valaient le coup qu'on comprenne d'où elles venaient et que c'est pas seulement ma petite existence à moi qu'elles avaient chamboulé, mais tout un imaginaire collectif. Je pense fermement que ça c'est précieux, mais je le vends pas comme l'ultime et unique perspective politique. Je souhaite juste qu'on puisse discuter, évaluer, et comprendre à quel point cette culture DIY a des potentiels autres que de créer de simples objets (toujours pas de mépris caché derrière ce mot). En gros, dans "Do It Yourself", peut-être que c'est pas le "do" tout seul qui compte (l'idée intéressante il me semble, c'est pas juste de "produire" à tout prix, mais justement réfléchir sur comment on produit, et éventuellement, sans nous la raconter, pourquoi), c'est pas non plus le "yourself" tout seul (c'est pas juste faire nos trucs dans nos coins), mais l'idée de la réappropriation collective, de la solidarité, des connections et des liens créer partout. Je pense qu'avec le temps, ces "concepts" autour du DIY ont perdu pour nous de leur valeur et de leur force. La société marchande sait assimiler tous les concepts qui lui sont hostiles, et elle a su semer le trouble là-dedans aussi. L'apparition de l'auto-entreprenariat a, par exemple, me semble-t-il été un vecteur par lequel le capitalisme est venu "complexifier" et "pacifier" le DIY et a désamorcé des aspects de son caractère subversif. On peut ne pas être d'accord avec ça. Pas de soucis. Je suis ni "spécialiste" ni un "philosophe", je peux me gourer. Moi, en tout cas, mon propos est et restera de dire : au minimum, si ça nous intéresses, tentons de garder un regard un peu objectif et critique sur tout ça. Et moi je pense qu'il y a là un vrai terrain de réflexion.
2) Sur la forme, mes messages sont longs, et ma façon de m'exprimer est chiante. Je le sais. (parenthèse ici pour tenter de vaguement avoir des pistes sur le pourquoi du comment : je suis un fils de prolo qui a pas été à l'école, et qui se sent dominé et submergé, à tort ou à raison, depuis l'adolescence par le langage, donc oui, j'ai l’obsession de tenter d'être précis parce que je flippe toujours qu'on me comprenne pas et qu'on dévalorise mon propos, qu'on me fasse dire ce que je j'ai jamais dit). Techniquement pourtant, je relis tout ce que j'écris plusieurs fois avant de publier, et je tâche de ne pas répondre dans l'émotion (je donne ici, comme toujours, zéro leçon, puisque concrètement, j'ai moi aussi fait la preuve que j'arrivais pas toujours à respecter ma ligne et que j'étais capable de m'enflammer et de répondre en mode bras de fer). Je m'applique également à ne pas "personnaliser" le débat, et donc à ne pas parler de tel ou tel individu, mais tenter de garder tout ça au niveau de la réflexion globale et collective. Je suis pas un neuneu, je SAIS que des choses que j'écris peuvent potentiellement donner l'impression que je fais la leçon ou que je pointe du doigt telle ou telle personne. Je SAIS que des gens vont se sentir attaquées. Je crois néanmoins systématiquement tenter de donner des éléments pour désamorcer tous ces mécanismes d’individualisation. Le mode de réaction viscéral où on se sent attaquer et où on pense devoir réagir en nous défendant individuellement me semble compréhensible évidement, mais je pose la question : du coup on fait quoi ? On se parle plus, on essaie plus de construire des bouts de réflexion collectives ? Il n'existe pas/plus d'espace où, sans nous la raconter, on peut parler de politique sans exclusivement le ramener à nous ? On est tous et toutes des animaux hésitants, blessés, fragilisés par telle ou telle contrainte, expérience et réalité (pas que ça hein, on a aussi des forces en nous, bien sûr). La communication c'est pas un exercice facile. Mais moi, j'y crois qu'on devrait aussi pouvoir nous retrouver dans des espaces "politiques" où on pourrait parler sans nous sentir attaqués et où la communication ne serait pas juste une longue série de bras de fer mano a mano. Pour moi, aussi difficile que ça puisse être parfois, le "politique" c'est justement cet espace qui transcende nos émotions individuelles et où la réflexion collective nous permet de réfléchir en quittant un peu cet espace schizophrénique où tout ne tourne plus qu'autour de nos capacités individuelles à comprendre le monde. Je suis un gros parano, j'ai pas confiance en moi. M'exprimer publiquement, c'est un effort de tous les instants. Je suis pas le roi des ring de boxe, et j'encaisse très mal les coups. Je fais la leçon à personne. Je crois juste que, tout en faisant gaffe, on devrait pouvoir se parler autrement. On ne saura sans doute jamais toujours gérer les émotions contradictoires que nous procure le sentiment d'être jugé, mais le garde-fou posé ici c'est celui du débat "global". C'est aussi pour tenter de clarifier "d'où je parle" que j'inclus, je le crois, le doute. Je ne suis pas parfait, et il ne s'agit pas de parler d'un monde de perfection. On va tous et toutes être confronter à des choix, qui vont potentiellement venir altérer nos convictions, nos volontés. Vivre dans ce monde hostile est complexe. Je suis pas en dehors du game. Je fais des choix, certains sont, et je le sais, pas en cohérence totale avec mes "idées" et ce que j'aimerai avoir le force de vivre. Parfois je réagi face à ce monde et ses contraintes par la fuite en avant, la colère, la résignation, ou l’acceptation de certaines formes de confort. Et ce que ce doute en moi implique fondamentalement, c'est que je vie pas dans un monde où je me vois comme détenteur d'une vérité et acteur droit et fier de pratiques valeureuses et exemplaires. Comme tout le monde, j'ai un "idéal" que je tente de confronter au réel, mais je sais que cet idéal va à un moment ou à un autre devoir se frotter à des choses sur lesquelles j'aurai peut-être pas le dessus. Bref, je crois que ma communication inclue tout ça et que, je peux sans doute être parfois peu clair, mais que je tente de jalonner mes pavés de petites ancres qui permettent de désamorcer les éléments récurants pouvant foutre la merde dans le propos. Présence du doute en toile de fond, capacité à accepter mes imperfections, tentative de repousser l'objet du débat à un truc "collectif". Bref, je tente. Sans doute que je me goure, comme tout l'monde, mais je tente.
Bref, je fini là, je n'interviendrai plus sur des forums. Pas que je pense que l'écrit est "pire" que la vraie vie. Je pense que dans le fond, les mêmes difficultés nous auraient submergés dans "le réel" (comme si nos doutes, nos complexes et nos complexités étaient rendu plus simple par magie dans les confrontations IRL, alors même que viennent s'ajouter, en plus de ce que je viens d'évoquer, une myriades de problèmes en plus : nos corps, nos voix, les effets de groupes, l'occupation de l'espace, etc..). Mais bon, j’accepte l'idée que ma façon d'écrire cause plus de mal qu'elle ne fait de "bien". J'ai plus envie de m'exposer de la sorte et retomber dans les mêmes écueils : moralisateur aigri et déconnecté du réel, juge sectaire et manichéen vs. un monde des vrais gens cools et ouverts. Ce schéma me convient pas, et je le trouve plombant. je vois pas de solutions pour nous sortir de là, donc je fais un pas en arrière.
Toutes mes excuses pour avoir donc concrètement causer plus de stress et de flou dans une tentative de justement discuter sur le "flou" et tenter de nous "tirer vers le haut". C'est loupé, je le reconnais. On a non seulement perdu du temps, mais on s'est crêpé le chignon, on s'est fait du mal et au final, il en ressort qu'un truc encore plus amer. Bref, c'est loupé !
Paix. Solidarité. Anarchie.
Christophe
stonehengerecords@hotmail.comme
(je ferme pas la porte à la discut', mais ça se fera ici dans ce cas)