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[blacksquare]

Je viens de terminer "A la ligne" de Joseph Ponthus, et j'ai trouvé le livre excellent. Découvert le monsieur un peu par hasard, en regardant le documentaire "Le temps des ouvriers" de Stan Neumann, où il apparaît à plusieurs reprises. Ce livre est un peu déconcertant au départ car il est écrit sans aucune ponctuation, avec de nombreux retours à la ligne, j'ai eu un peu peur en ouvrant le livre la première fois, mais finalement ça se lit très bien quand même. Il y raconte ses expériences de travail à l'usine, plus précisément, en intérim en usine agro-alimentaire (poisson, abattoir, etc.). Ce n'est pas toujours très gai, mais c'est très bien écrit. Toute personne ayant vécu des expériences similiaires s'y reconnaitra aisément. Comme j'ai adoré le livre, j'ai voulu voir s'il en avait publié d'autres, et en faisant ces recherches, j'ai appris que le type était malheureusement décédé d'un cancer... En fait, sans le savoir, j'avais déjà lu le premier livre qu'il avait écrit en 2012 "Nous...la cité", livre que j'avais offert à la mère pour son anniversaire (et que j'avais discrétement lu avant de lui offrir), où il parle de son taff d'éducateur spécialisé et où il donne la parole à des jeunes banlieusards dont il s'occupe. Ce livre aussi est bien : même s'il est moins "original" dans la forme, il est intéressant dans le fond, donner la parole à ceux qui ne l'ont pas.

Dans un registre un peu différent, je viens également de terminer "Vie, vieillesse et mort d'une femme du peuple" de Didier Eribon. C'est un peu dans la même veine que "Retour à Reims" que celles et ceux qui l'avait lu, livre qui m'avait également bien enthousiasmé lorsqu'il était sorti. C'est un peu comme si un sociologue écrivait des egozines. "Retour à Reims" est plus centré sur son parcours personnel de transclasse ou de transfuge de classe, comme c'est devenu un peu la mode aujourd'hui, alors que "Vie, vieillesse et mort" est plus centré sur la trajectoire sociale de sa mère et la fin de vie de cette dernière. Il y a des moments assez pompeux et pénible à lire, surtout quand le monsieur se donne le beau rôle , mais heureusement ces moments sont compensés par plein d'autres passages intéressants qui font réfléchir : rapport des enfants aux parents, la vie dans les EHPAD, la fin de vie dans la déchéance, etc. Le livre est même à certains passages plutôt touchant, et si le discours est par moment un peu dogmatique, à plein d'autres moments l'auteur pose des questions sans y apporter de réponse, ce qui nous amène à réfléchir davantage à la question que s'il nous avait asséné une réponse toute faite. Bref, je trouve généralement ça plutôt bon les livres qui nous touchent et nous font réfléchir en même temps.

Il y a deux ans, il y a une librairie qui a ouvert pas très loin de chez moi, et on y trouve un choix de livres assez surprenant pour une commune semi-rural (moins de 3000 habitants). Outre des essais féministes et un coin jeunesse bien sympa, on y trouve aussi quelques livres de William Burroughs (je me demande combien de rednecks comme moi sont amateurs de ce genre de livre dans les environs...). J'ai commençé par "Junky", que j'ai lu d'une traite, vraiment une grosse claque. C'est bien écrit, on suit le parcours partiellement auto-biographique de l'auteur aux travers de ses aventures liées à sa recherche et sa consommation permanentes de drogue. Epatant. J'ai voulu enchainé directement avec "Le Festin nu", mais pour le moment, je n'arrive pas à le lire. Il me faut encore sans doute un peu de temps pour digérer le premier. J'ai encore l'estomac lourd. Du coup, pour digérer, je mange un peu de glace, et ma glace littéraire à moi, ce sont les fanzines. Je relis des fanzines publié il y a plus de 15 ans maintenant à la recherche de conseils de livres ou de disques desquels je serais passé à côté. Avec 15 ans de retard je découvre Royal Headache, merci à Thomas de Suranné / Tape Resistance !!

[niap]

"Grimpe, crimes et nutella" de Pierre Charmoz (Ginkgo noir). Petit polar rigolo, qui aurait mérité d'être un peu plus développé. L'auteur se revendique d'un courant littéraire, le n'importe-quoi-isme.

"une colonie" de Hugh Howey (Babel). L'auteur m'avait déjà régalé avec la trilogie Silo et le diptyque outresable-outredune. Des gamins endormis qui partent pour coloniser une planète, un voyage prévu pour être long avec une formation (intellectuelle) durant le sommeil. Mais quand la formation ne va pas à son terme, que les gamins se réveillent sur une planète pas franchement amicale et sans avoir toute les bases de leur métier, est ce que ça peut bien se passer?

"La félicité du loup" de Paolo Cognetti (livre de poche). Encore un récit de montagnards, d'habitants de fond de vallée, avec le Mont Rose qui domine. J'ai beaucoup aimé l'écriture de Cognetti sur ce roman. Chapitres courts, personnages attachants.

"MLF vaincra" de Gérard Lecas (Baleine). MLF, c'est le surnom de la commissaire en concurrence avec une émission de téloche pour retrouver un tueur de jeunes filles.

"La fée Carabine" de Daniel Pennac (Folio). J'avais jamais lu de Pennac et sa saga des Malaussène. Celui-là s'est retrouvé dans ma pile et j'avoue j'ai bien aimé. Pas sur que je me lance dans toute la saga, mais à l'occaze... Même si Pennac est antérieur, ça m'a fait penser à Mamie Luger ou Papi mariole de Benoit Philippon.

"Nulle part où revenir" de Henry Wise (Sonatine). Un polar dans le sud de la Virginie, entre noirs et white trash. C'est poisseux, avec son lot de flics dégueulasses, de secrets de familles... Une réussite

[Nhuman punk]

"à la ligne" de ponthus m’avait bien beaucoup marqué quand je l'avait lu, on avait l'impression d'être avec lui à l'usine, il avait un talent pour décrire tout ça... paix à son âme...
dans le genre non fiction "prolétarienne" je sais pas comment décrire ça je viens de terminer "13 ans à te regarder mourir" de benjamin daugeron, c'est une putain de claque dans la gueule, pour ceux et celles qu'ont connu des proches alcooliques c'est bien dur, ça remue, mais c'est juste ultra pertinent et émouvant sans être larmoyant...

"Post mortem" de cometbus est bien chouette aussi, malgré le nom haha, on pourrait se dire qu'on va juste avoir droit à un compte rendu de tout ce qui a foiré dans ce qu'a entrepris l'underground mais c'est assez bien tourné pour qu'on garde espoir!

en bd j'ai eu l'occaze de lire "magdermanes" de birgit weyhe sur les travailleurs et travailleuses du mozambiques qui se sont faits exploité-es par leurs cousins "socialistes" de rda, c'est très bien comme "rude girl" dont t'avais causé ici daniel! Histoire de jerusalem est bien aussi, pas fan du dessin mais bien instructive! et "souffler sur le feu" sur des conflits ethniques en inde par joe sacco c'est du grand art!

[Chéri-Bibi]

Je ne saurais que trop vous conseiller Mauvaise Fortune (éd. Nada 2025), magnifique BD de mon compère Fano Loco -qui accompagne l'aventure chéribibine depuis 1998. Un pur western anticapitaliste qui prend son temps, connaît ses sujets et les traite de façon très originale !

https://www.nada-editions.fr/produit/mauvaise-fortune/

[blacksquare]

Oui, entièrement d'accord avec toi Nhuman punk, Joseph Ponthus avait un énorme talent pour raconter le quotidien à l'usine. Vraiment on s'imagine à trimer à ses côtés... J'avais complétement oublié de le souligner dans mon précédent post mais à un moment, il y a même une référence à la chanson "Ville portuaire" des feu Taulard de Grenoble. Sinon pour rester dans le domaine de l'écritue, à un moment donné du récit, dans son livre, il fait référence à un autre livre, Journal d'un manoeuvre de Thierry Metz. Je dois reconnaitre que j'ai beaucoup moins aimé ce livre là. Effectivement il y a une double proximité entre les deux livres car dans les deux cas, il est question de raconter le quotidien d'un ouvrier au travail (ouvrier en usine et ouvrier du batiment), et dans les deux cas, c'est écrit dans un style à mi-chemin entre la littérature et la poésie, mais le livre de Thierry Metz m'a beaucoup moins touché. C'est moins pour le contenu du livre que j'ai trouvé également intéressant que pour sa forme, sa prose poétique me parle moins.

Sinon j'ai relu La Vie matérielle de Marguerie Duras. J'avais lu ce livre il y a déjà une bonne dizaine d'année. Un ami me l'avait conseillé. Mon avis sur le livre n'a pas beaucoup changé. A sa lecture, on a l'impression d'être toujours en équilibre sur une corde tendue. Le discours qu'elle développe est à la fois intéressant mais toujours il frise l'exercice casse gueule. Elle alterne les moments d'analyse d'une beauté et d'une intensité assez surprenante avec d'autres moments d'une platitude bourgeoise franchement pathétique. On passe toujours de l'un à l'autre sans discontinuer. Ce qui fait qu'à chaque page, ce livre est plein de surprises, de bonnes et de moins bonnes.

Grosse claque : Fatale de Jean-Patrick Manchette. On m'avait déjà de plein de fois de cet auteur, et j'avais encore jamais eu l'occasion de lire un de ces bouquins. On m'en avait parlé comme de la littérature de critique sociale. Bon, effectivement, il y a un fond de critique sociale dans le livre, mais franchement ce livre est d'abord et avant tout un excellent roman policier (si vous voulez lire de la critique sociale proprement dite, vaut mieux se rendre au rayon sociologie ou philosophie sociale). L'héroïne du livre a un petit côté Kill Bill je trouve, ça m'a plu direct, c'est hyper bien écrit, et la grosse tuerie m'a bien fait rigolé : ça pète de partout, un peu comme dans un Django Unchained. Vivement la paie du mois prochain pour pouvoir en commander d'autres.

Sinon Le pansement schubert de Claire Oppert m'a bien plu aussi. Récit d'une violoncelliste qui raconte son expérience de musico-thérapie avec des personnes démentes ou cancéreuses. Le livre est touchant. Beaucoup de beaux moments. Bon, au niveau du style d'écriture, la personne qui écrit le livre est musicienne à la base, pas écrivaine, donc le livre n'est pas révolutionnaire sur le plan formel, mais c'est franchement pas ce qu'on lui demande. J'y connais pratiquement rien en musique classique, mais même si on ne jure que par NOFX, Crass ou Autistic Youth, je pense que l'on peut prendre du plaisir à lire ce joli texte.