A.M. a écrit : ↑15 avr. 2021 11:59
Oui, j'avais regardé cette (intéressante) émission, je découvrais la pratique et comprenais les pratiques "d'alors" pour les gros lettrages de pochettes etc..
Et je serais curieux de savoir ce que tu en retires, de ce procédé, pour tes vieux zines.. C'était intuitif, pratique.. ? Bref tu l'utilisais facilement ?
parce que je ne me souviens pas qu'ils aient mentionné beaucoup de contraintes (le prix, les limites, euh.. ?)
Eh bien, basiquement, les Letraset sont des décalcomanies: une fine pellicule que l'on décolle de son support pour la faire adhérer à un autre.
Les premiers Letraset, il fallait retirer délicatement la lettre de son support avec un pinceau mouillé pour l'appliquer sur la feuille... donc s'agissait pas de se louper (coller de travers et/ou déchirer la lettre). M'enfin, j'ai pas connu ça (mon père, artisan graphiste, oui. On l'a d'ailleurs évoqué avec lui après qu'il ait vu le petit film précité).
Donc ces premiers décalcos marchaient à l'eau.
Tiens, voilà un petit tuto en vidéo afin d'expliciter le principe d'utilisation pour les plus jeunes qui n'ont pas connu la chose...
Par la suite, Letraset a utilisé le principe de frotter la feuille (à l'aide d'un outil arrondi spécifique, d'un crayon de papier ou à la rigueur d'un stylo-bille) pour en décoller la lettre. Ça c'est ce que j'ai bien connu pour le coup.
C'était le même principe que les planches de décalcomanie à transférer sur un paysage, comme il s'en vendait à foison dans les librairies. Ah ce que j'adorais ça étant môme ! C'était vachement mieux que les planches d'autocollants actuelles !!! Tu pouvais mettre une vache sur le toit de la ferme, percher une poule sur son dos, etc. Bref, des compos foutrement surréalistes !
Pour en revenir au Letraset, tu achetais des planches dans la police de caractère voulue (qui comprenait donc les majuscules, les minuscules, les caractères spéciaux, avec évidemment des multiples en nombre selon la fréquence d'utilisation des lettres). J'ai aucune idée de combien ça coûtait puisque depuis tout môme donc, j'utilisais le matos de mon paternel (quand t'es enfant d'artisan, vu que ces derniers s'arrêtent quasi jamais de bosser, tu squattes souvent un coin de l'atelier familial...). En 1989, quand son collectif de graphistes s'est dissous, j'en ai récupéré un sacré paquet qui a continué à me servir des années. Il y avait aussi des trames, des lignes, des flèches, des pictos, etc.
Généralement, pour faire ta maquette, tu utilisais un papier quadrillé bleu (le bleu n'apparaissant pas à la photocopie) sur lequel tu décalquais tes lettres. Il fallait non seulement faire attention à les coller bien droites, mais aussi à respecter l'interlettrage (la distance entre chaque lettre, qui varie selon le type de lettre).
Pour le zine, je m'en suis servi assez longtemps, je ne sauras pas dire quand. Du moins jusqu'à ce que j'ai de plus en plus recours à l'ordinateur. C'est simple, la première maquette du ChériBibi faite entièrement à l'ordinateur, c'est celle du n°15, en 2006.
Il me reste encore des planches Letraset mais je pense qu'elles sont trop vieilles pour encore être "décollables".
Est-ce que c'était pratique ? Bah en l'absence d'ordi, oui. Toute la mise en page se faisait à la main, donc ça évitait de dessiner la lettre ou d'en découper une dans un magazine...
Il fallait donc pas se louper, mais les accidents (lettre déchirée ou de travers) ajoutaient au côté punk, ah ah !
Avec l'ordinateur, le métier de graphiste est devenu un métier de bureau... où le rapport du corps à l'espace n'est plus du tout le même. Avant, t'étais debout au dessus de ta table de travail, à manipuler des éléments avec les mains (incroyable !). Tu composais tes textes en découpant des feuilles tapées à la machine (ou déjà mises en colonne avec les premières PAO) et en utilisant des Letraset pour les titres (tu composes pas tout un bloc de texte au Letraset !!!), tu agrandissais ou rétrécissais tes images à la photocop', tu te flinguais les poumons à la bombe de colle repositionnable, tu jouais du cutter mieux qu'un délinquant juvénile et tu retouchais le tout au Tipex ou au feutre noir pour que la différence d'épaisseur des collages se voit pas à la photocopieuse (quand j'allais photocopier mes zines, j'avais toujours sur moi mon Tipex et mon feutre pour rectifier le tir). Franchement, c'était chouette !
Et le plus chouette, c'est qu'il est toujours possible de le faire !