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Pour une burqa tricolore, il risque un « outrage au drapeau »
Par Zineb Dryef | Rue89 | 21/06/2011 | 13H08
Un artiste caennais a été entendu pour « outrage au drapeau » après avoir porté une burqa tricolore le 15 juin dernier. Récit.
Yohan, slammeur caennais de 34 ans, a un double, son personnage Nadine Amouk, le « porte-parole des transsexuels musulmans patriotes de France ». Son costume : une grande burqa tricolore. Depuis plusieurs mois, il le promène dans les rues de Caen pour « interpeller la population française sur la loi anti-burqa ».
Déjà, au dernier Salon du livre de Caen, le jeune homme s'était fait rappeler à l'ordre par la police municipale :
« Ils voulaient m'arrêter mais on a discuté. Ils ont fini par me laisser partir mais en me demandant de ne plus porter mon costume dans les lieux publics. C'est compliqué parce que c'est une tenue pour mon spectacle que je ne joue que dans des lieux publics. » (Voir la vidéo)
Le 15 juin dernier, Yohan décide de sortir à nouveau en Nadine Amouk pour participer à une manifestation contre la décohésion sociale organisée par le Contrat urbain de cohésion sociale (Cucs). 300 personnes sont présentes. Avec la compagnie L'Oreille arrachée, il donne son spectacle dans la rue et décide de poursuivre la manifestation dans sa burqa.
Devant la préfecture du Calvados, il pressent que ça ne va pas le faire avec les policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) :
« Je me sentais comme un poisson dans un filet, observé par la BAC, qui n'est jamais très discrète. Pour éviter de me faire arrêter, j'ai demandé à une élue à la mairie de Caen de rester avec moi le temps de quitter la manif. Ils m'ont quand même arrêté et m'ont emmené au commissariat pour une audition libre. »
« Ils ont demandé pourquoi je portais une écharpe tricolore ! »
L'élue en question, Colette Gissot, a elle-même dû se justifier auprès des policiers :
« Quand ils ont emmené Yo, ils ont précisé que ce n'était pas une interpellation mais une audition libre. A moi, ils ont demandé pourquoi je portais une écharpe tricolore ! On nous a contrôlés.
Je m'en veux, j'ai réagi comme une citoyenne qui a peur de la BAC alors que j'aurais dû demander pour quel motif ils l'emmenaient, pour la burqa ou le drapeau. Finalement, j'ai su qu'au commissariat, la police l'avait bien entendu pour “outrage au drapeau”.
Je vais écrire au procureur pour lui dire de ne pas insister dans le ridicule. Les policiers feraient mieux d'être présents dans les quartiers où il y a des trafics plutôt que de gaspiller leur énergie à s'occuper de simples boutades. »
Après avoir été entendu environ une heure pour « outrage au drapeau », Yohan a pu quitter le commissariat, mais sans sa burqa, qui lui a été confisquée. Il doit savoir mercredi s'il comparaîtra ou non devant la justice.
Depuis le mois de juillet 2010, l'outrage au drapeau punit d'une contravention de cinquième classe (jusqu'à 1 500 euros d'amende) le fait de détruire le drapeau dans un lieu public, de le détériorer ou de l'utiliser de manière dégradante. Reste à motiver en quoi le drapeau tricolore revisité en burqa de divertissement est dégradant.
http://www.rue89.com/2011/06/23/lartist ... eau-210570
Burqa tricolore : Yohan sera bien jugé pour outrage au drapeau
Par Zineb Dryef | Rue89 | 23/06/2011 | 12H47
L'artiste caennais Yohan Leforestier, dit « Yo du milieu », interpellé le 15 juin parce qu'il portait une burqa tricolore, un costume de spectacle, a bien reçu une convocation au tribunal de police pour outrage au drapeau.
Il nous a transmis le courrier qu'il a reçu :
« L'audience se tiendra au tribunal de police de Caen, place de la République, 14 000 Caen, le 30/09/2011 à 13h30 pour y être jugé sur les faits suivants : d'avoir à Caen le 15/06/2011, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, volontairement utilisé de manière dégradante le drapeau tricolore dans un lieu public ouvert au public, de nature à troubler l'ordre public.
Faits prévus par : article R645-15 AL 1 1 du code pénal. Réprimés par : article R645-15 AL 1 du code pénal. »
Dans une pétition mise en ligne ce jeudi, plusieurs collectifs d'artistes et associations, dont la Ligue des droits de l'homme (LDH), réclament l'abandon des poursuites « non par clémence mais pour que le droit de chaque citoyen à exercer sa pleine et entière liberté d'expression » soit respecté.
« Un combat important à mener pour la liberté d'expression »
Yohan se dit prêt à aller jusqu'au bout, peut-être jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme comme le lui a suggeré un avocat :
« Tout cela est très exagéré. Moi je voulais interpeller sur une loi antiburqa et c'est sur complètement autre chose qu'on m'interpelle puisque pour les policiers, c'est dégradant d'associer la burqa et le drapeau français. (Voir la vidéo)
Je ne sais pas encore ce que je vais faire mais je sais qu'il y a un combat important à mener pour la liberté d'expression. »
Depuis le mois de juillet 2010, l'outrage au drapeau punit d'une contravention de cinquième classe (jusqu'à 1 500 euros d'amende) le fait de détruire le drapeau dans un lieu public, de le détériorer ou de l'utiliser de manière dégradante.
En décembre, un Algérien avait été condamné à une amende de 750 euros avec sursis pour avoir brisé la hampe d'un drapeau français, dans une préfecture du sud-est de la France.
Le rendez-vous est prévu à 13h30 devant le tribunal de police (rue Georges Lebret) le 30 septembre.