ARTAMIS: DE L'AUTOGESTION À L'ÉCOQUARTIER MODÈLE
D'ici quelques mois, le plus grand site alternatif genevois aura vécu. Gravement polluée, la parcelle ayant appartenu aux Services industriels de Genève fera une large place au logement. Ville et canton promettent d'ériger un écoquartier tout beau tout propre. Reste à déterminer la place qui sera laissée aux artisans, aux artistes et à la gestion participative.
La terre tremble sous les pieds d'Artamis. Après la vague d'évacuations qui a déferlé cet été sur les squats genevois, la rumeur voudrait que les artistes et artisans installés depuis 1996 sur l'ancien site des Services industriels de Genève (SIG) soient les prochains sur la liste noire du procureur général genevois. Une rumeur que Daniel Zappelli a clairement infirmée, le 13 novembre dernier, dans la Tribune de Genève. Il n'empêche que les jours sont comptés pour les quelque 200 occupants actuels, depuis que les autorités ont pris la mesure, en 2004, de la grave pollution répartie sur les 26 000 m2 du site. Le rapport définitif sur les travaux de dépollution à entreprendre est attendu pour le mois de décembre. Mais les sondages effectués indiquent d'ores et déjà qu'il faudra excaver le sol de la parcelle jusqu'à une profondeur de trois à six, voire dix mètres par endroit.
Une sacrée épine dans le pied de la Ville de Genève et du canton (dans une moindre mesure des SIG1) qui se partagent la parcelle. Piloté dans la première phase par les SIG, le projet d'assainissement sera repris en main par la Ville de Genève dès réception du projet définitif.
«Nous héritons de la patate chaude», confirme le président du Département des constructions et de l'aménagement, Rémy Pagani. Le plus gros de la contamination du sol et de la nappe phréatique provient en effet de l'exploitation d'une usine à gaz, située sur territoire municipal, qui sera exploitée dès le milieu du XIXe siècle jusqu'en 1909, date de son explosion accidentelle.
Chantier dépressurisé
L'extraction de gaz à partir de charbon a libéré d'importantes quantités de résidus toxiques, parmi lesquels du naphtalène, de l'anthracène et du cyanure2. En 1931, les SIG s'installeront sur le site, utilisant les bâtiments pour des dépôts et des garages. Il en résultera une nouvelle pollution, plus ponctuelle mais non négligeable, aux hydrocarbures (dont du benzène), des métaux lourds et des PCB.
Cette terre contaminée devra être traitée comme des déchets spéciaux, probablement en dehors du site. Compte tenu du volume à charrier, certains ont évoqué un transport par barge sur le Rhône plutôt que par camion (une proposition à laquelle M. Pagani ne croit pas trop, ceci dit). Ce qui est sûr, c'est que les ouvriers travailleront sur un chantier entièrement bâché et dépressurisé!
Le coût de cette première étape varie, selon les évaluations actuelles, entre 25 et 30 millions de francs. La clef de répartition définitive sera elle aussi communiquée le mois prochain, en même temps que le projet définitif. En octobre 2006, le géologue cantonal calculait que la Ville aurait à régler 58% de l'ardoise, le canton 22%, la Confédération 15% et les SIG 5%.
Genève, ville ouverte
Sauf imprévu, selon la formule habituelle, le chantier de déconstruction devrait débuter en 2009 et les travaux d'assainissement se dérouler entre 2009 et 2011. La directrice de l'aménagement au Département cantonal du territoire, Bojana Vasiljevic Menoud, suppose qu'«il faudra tout démolir». Plus nuancé, M. Pagani estime que certains bâtiments pourraient être sauvés: outre l'immeuble des SIG à la limite de la parcelle, rue des Gazomètres, l'immeuble administratif au 12 quai du Rhône et le bâtiment situé au 21 boulevard Saint-Georges (Database) pourraient bénéficier d'un sursis. Rémy Pagani prévoit d'utiliser ce dernier comme «bâtiment mou» (lire ci-contre).
Des chantiers à la pelle
Dans tous les cas de figure, les habitants du quartier devront prendre leur mal en patience. Ce d'autant plus, prévient M. Pagani, que lorsque les pelleteuses s'attaqueront à Artamis, la rue du Stand et le quai du Rhône seront aussi en chantier en vue de la future ligne de tram Cornavin-Onex-Bernex.
Si l'on ajoute à cela la réfection de la plaine de Plainpalais, des ponts de l'Ile et de Saint-Georges, «le quartier sera un chantier perpétuel», soupire Rémy Pagani. I
Note : 1 Un tiers de la surface appartient toujours aux Services industriels de Genève qui doivent en céder prochainement une très grande partie à la Ville et au canton.
2 Il a été dit dans un premier temps que 10 kg de cyanure s'écoulaient dans le Rhône chaque année. C'est sans doute beaucoup moins estime aujourd'hui le géologue cantonal, Michel Agassiz, du fait de la présence d'un collecteur sur la rive gauche du Rhône, formant barrage. Il affirme qu'on n'observe pas de différence significative entre les prélèvements effectués dans le fleuve en amont et en aval du site.
Le Courrier, Mardi 27 Novembre 2007
Source: http://www.lecourrier.ch/index.php?name ... sid=438097
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