Racisme, harcèlement: un ouvrier nazairien se défend.
Posté : 16 janv. 2014 15:55
[Edit: petit ajout sur une possibilité de procédure de licenciement à la fin du post]
Ci-après l'histoire d'un jeune ouvrier réunionnais victime de racisme et harcèlement sur son lieu de travail: STX à Saint-Nazaire (anciennement Chantiers navals de l'Atlantique).
Le Défenseur des droits donne de précieux conseils pendant l'émission et ça me semble utile de diffuser car je sais à quel point on peut se sentir isolé-e et pris à la gorge quand ça arrive, alors qu'en s'adressant aux bonnes personnes on peut être entendu-e-s et défendu-e-s, individuellement.
Pour avoir vécu dans le coin et avoir toujours des potes là-bas, j'ai connu un paquet de jeunes qui ont bossé aux Chantiers en interim et il est fréquent d'entendre que le racisme là-bas ne date pas d'aujourd'hui. Combien de témoignages à ce propos? Quand on commence à bosser là-bas et qu'on s'en offusque, on entend les vieux dire "faut faire avec", ou "c'est pas toi qui fera la révolution".
Cela semblant d'ailleurs être fatalement identique dans les grosses usines en Bretagne.
J'ai fais le ménage dans une grosse boîte de "fabrication", juste après avoir arrêté la fac pour pouvoir payer le loyer. Combien d'inscriptions racistes j'ai dû effacer à la javel sur les murs des chiottes (ben oui, dans les chiottes, seul sur son trône avec la merde qu'on a au cul et dans la tête, c'est le spot idéal pour écrire des trucs ignobles et anonymes).
J'ai dû aussi foutre à la poubelle des photos-montages en lien avec le seul salarié noir de la boîte ou entendu diverses blagues pourries sur les Arabes aux abords des vestiaires. Avec ma collègue antillaise, quand on gueulait en entendant ça, les quelques salariés d'origine maghrébine nous disaient en souriant que ce n'était pas grave, qu'ils laissaient dire et se dépêchaient de se changer pour rentrer chez eux.
On avait alors, avec ma collègue, décidé d'afficher une note dans les chiottes pour que les inscriptions s'arrêtent et ça a marché au début; puis la note a été arrachée, alors on en a remis une chaque fois que ça recommençait et on ne s'est jamais résignées à laisser ces inscriptions sur les murs, même si on devait passer du temps à les nettoyer et se faire engueuler pour ça...
Alors quand je suis tombée sur l'article en lien plus haut, mon premier réflexe a été de gueuler: "Bordel! enfin!", et j'ai pensé au courage qu'il a fallu à ce jeune de 26 ans pour attaquer une boîte comme les Chantiers, véritable machine bien huilée et protégée depuis si longtemps... parce que quand les chefs laissent faire, quand la direction laisse faire, ils cautionnent ces agressions et ça devient leur responsabilité.
Plus personnellement, j'ai subi des pratiques discriminantes dans le cadre d'un tout autre travail (de la part de responsables qui avaient dans le nez mon insoumission à des points dégradants et abusifs de leur règlement), et j'ai réussi à le faire reconnaître avec l'aide du médecin du travail. Au prix d'un combat épuisant qui a duré des mois mais que je ne regrette pas.
Il est possible de ne pas se résigner, pour ça, il faut se faire aider, s'entourer de personnes de confiance et ne pas lâcher. Car on parle bien ici de souffrances répétées devenant insupportables mais que pourtant le besoin d'un salaire ne doit pas justifier. Le témoignage et l'action du soudeur de Saint-Nazaire doit aussi servir à aider et motiver, à refuser de se laisser piétiner par des personnes stupides qui s'en sortent trop bien en tirant une jubilation et en ayant le pouvoir de faire de souffrir. Ces personnes croient pouvoir le faire indéfiniment, impunément et tout le monde finit par le penser alors qu'il est possible de se défendre.
Dans le cas de pressions sur tout un groupe de travail, quand les collègues n'osent pas agir et qu'il n'y a donc pas d'action collective possible (c'est très rarement le cas...), agir le/la premier/ère sert à casser ce sentiment de peur qui a empêché tout le monde de parler jusque là.
Décider de se défendre personnellement et dénoncer sa souffrance au travail, c'est aussi défendre les autres.
Pour obtenir réparation ou simplement parler du comportement agressif/humiliant/rabaissant/discriminatoire de la part de collègues ou encadrants/es, le processus commence donc par une visite à son généraliste pour détailler le stress subi (Il arrive d'être victime d'angoisse, de palpitations, de sueurs froides, de maux de ventre, de malaises en allant au travail. Parfois, certains cas de mal-être nécessitent un rdv en urgence chez le médecin, celui-ci peut alors décider d'établir une feuille d'accident de travail et de prescrire un arrêt maladie et/ou un traitement anxiolytique, dans ce cas le salarié doit bien garder copies de l'ordonnance et de l'arrêt). Puis, il faut prendre parallèlement rdv avec le médecin du travail en dehors des heures de travail (le contacter soi-même directement bien sûr en lui demandant de garder la confidentialité du RDV). Le salarié peut aussi parallèlement consulter un psychologue du travail (des permanences ont lieu, se renseigner au CCAS par exemple). Le salarié fait ainsi reconnaître la dégradation de son moral et les conséquences néfastes de ses conditions de travail sur sa santé. Ensuite, si le salarié souhaite obtenir réparation des pressions subies, il peut contacter le Défenseur des droits. La médecine du travail peut décider d'une inaptitude (d'abord temporaire puis définitive si la santé du salarié de s'améliore pas et que son poste génère trop de stress). Il est alors proposé au salarié un reclassement. Si aucun poste ne convient au salarié, il peut alors obtenir un licenciement pour inaptitude, générant des primes de licenciement et un droit aux indemnités chômage. Si une rencontre avec des responsables est proposée en cours de parcours, ou lors d'une éventuelle rencontre pour parler d'indemnités "compensatrices" de licenciement, ne pas hésiter à contacter un délégué du personnel pour être accompagné (le médecin du travail peut fournir les coordonnées du délégué).
Quand on n'a pas de syndicat vers qui se tourner et qu'on décide d'entamer une telle procédure seul-e dans le but de "guérir" et "réparer" la souffrance endurée, le chemin parait long, donc on avance au jour le jour et tout semble flou car on n'a pas toutes ces infos (ou après de longues démarches et de façon décousue).
J'espère donc qu'elles pourront aider.
Pour défendre le dossier, le médecin du travail, le délégué du personnel, le défenseur des Droits et le salarié peuvent s'appuyer là-dessus:
Ci-après l'histoire d'un jeune ouvrier réunionnais victime de racisme et harcèlement sur son lieu de travail: STX à Saint-Nazaire (anciennement Chantiers navals de l'Atlantique).
Cliquer ici pour lire l'article et écouter l'extrait de l'émission concernant Oizir.Oizir [...] est charpentier soudeur. Il est Réunionnais, il est embauché à 22 ans chez STX. Et après quatre années de moqueries racistes, de blagues douteuses, il découvre un jour une photo : un singe sur le dos, les pattes écartées [...] avec son prénom écrit en lettres rouges. Une photo qui va le faire sortir de ses gonds et le pousser à la démission. Oizir claque donc la porte de la STX. Un an et demi après les faits, le 18 décembre dernier, le Conseil des prud'hommes de Saint-Nazaire lui donne raison. Sa démission est requalifiée en "prise d'acte" : l'équivalent d'un licenciement nul. Résultat : 24.000 euros de dommages et intérêts.[...]
Le Défenseur des droits donne de précieux conseils pendant l'émission et ça me semble utile de diffuser car je sais à quel point on peut se sentir isolé-e et pris à la gorge quand ça arrive, alors qu'en s'adressant aux bonnes personnes on peut être entendu-e-s et défendu-e-s, individuellement.
Pour avoir vécu dans le coin et avoir toujours des potes là-bas, j'ai connu un paquet de jeunes qui ont bossé aux Chantiers en interim et il est fréquent d'entendre que le racisme là-bas ne date pas d'aujourd'hui. Combien de témoignages à ce propos? Quand on commence à bosser là-bas et qu'on s'en offusque, on entend les vieux dire "faut faire avec", ou "c'est pas toi qui fera la révolution".
Cela semblant d'ailleurs être fatalement identique dans les grosses usines en Bretagne.
J'ai fais le ménage dans une grosse boîte de "fabrication", juste après avoir arrêté la fac pour pouvoir payer le loyer. Combien d'inscriptions racistes j'ai dû effacer à la javel sur les murs des chiottes (ben oui, dans les chiottes, seul sur son trône avec la merde qu'on a au cul et dans la tête, c'est le spot idéal pour écrire des trucs ignobles et anonymes).
J'ai dû aussi foutre à la poubelle des photos-montages en lien avec le seul salarié noir de la boîte ou entendu diverses blagues pourries sur les Arabes aux abords des vestiaires. Avec ma collègue antillaise, quand on gueulait en entendant ça, les quelques salariés d'origine maghrébine nous disaient en souriant que ce n'était pas grave, qu'ils laissaient dire et se dépêchaient de se changer pour rentrer chez eux.
On avait alors, avec ma collègue, décidé d'afficher une note dans les chiottes pour que les inscriptions s'arrêtent et ça a marché au début; puis la note a été arrachée, alors on en a remis une chaque fois que ça recommençait et on ne s'est jamais résignées à laisser ces inscriptions sur les murs, même si on devait passer du temps à les nettoyer et se faire engueuler pour ça...
Alors quand je suis tombée sur l'article en lien plus haut, mon premier réflexe a été de gueuler: "Bordel! enfin!", et j'ai pensé au courage qu'il a fallu à ce jeune de 26 ans pour attaquer une boîte comme les Chantiers, véritable machine bien huilée et protégée depuis si longtemps... parce que quand les chefs laissent faire, quand la direction laisse faire, ils cautionnent ces agressions et ça devient leur responsabilité.
Plus personnellement, j'ai subi des pratiques discriminantes dans le cadre d'un tout autre travail (de la part de responsables qui avaient dans le nez mon insoumission à des points dégradants et abusifs de leur règlement), et j'ai réussi à le faire reconnaître avec l'aide du médecin du travail. Au prix d'un combat épuisant qui a duré des mois mais que je ne regrette pas.
Il est possible de ne pas se résigner, pour ça, il faut se faire aider, s'entourer de personnes de confiance et ne pas lâcher. Car on parle bien ici de souffrances répétées devenant insupportables mais que pourtant le besoin d'un salaire ne doit pas justifier. Le témoignage et l'action du soudeur de Saint-Nazaire doit aussi servir à aider et motiver, à refuser de se laisser piétiner par des personnes stupides qui s'en sortent trop bien en tirant une jubilation et en ayant le pouvoir de faire de souffrir. Ces personnes croient pouvoir le faire indéfiniment, impunément et tout le monde finit par le penser alors qu'il est possible de se défendre.
Dans le cas de pressions sur tout un groupe de travail, quand les collègues n'osent pas agir et qu'il n'y a donc pas d'action collective possible (c'est très rarement le cas...), agir le/la premier/ère sert à casser ce sentiment de peur qui a empêché tout le monde de parler jusque là.
Décider de se défendre personnellement et dénoncer sa souffrance au travail, c'est aussi défendre les autres.
Pour obtenir réparation ou simplement parler du comportement agressif/humiliant/rabaissant/discriminatoire de la part de collègues ou encadrants/es, le processus commence donc par une visite à son généraliste pour détailler le stress subi (Il arrive d'être victime d'angoisse, de palpitations, de sueurs froides, de maux de ventre, de malaises en allant au travail. Parfois, certains cas de mal-être nécessitent un rdv en urgence chez le médecin, celui-ci peut alors décider d'établir une feuille d'accident de travail et de prescrire un arrêt maladie et/ou un traitement anxiolytique, dans ce cas le salarié doit bien garder copies de l'ordonnance et de l'arrêt). Puis, il faut prendre parallèlement rdv avec le médecin du travail en dehors des heures de travail (le contacter soi-même directement bien sûr en lui demandant de garder la confidentialité du RDV). Le salarié peut aussi parallèlement consulter un psychologue du travail (des permanences ont lieu, se renseigner au CCAS par exemple). Le salarié fait ainsi reconnaître la dégradation de son moral et les conséquences néfastes de ses conditions de travail sur sa santé. Ensuite, si le salarié souhaite obtenir réparation des pressions subies, il peut contacter le Défenseur des droits. La médecine du travail peut décider d'une inaptitude (d'abord temporaire puis définitive si la santé du salarié de s'améliore pas et que son poste génère trop de stress). Il est alors proposé au salarié un reclassement. Si aucun poste ne convient au salarié, il peut alors obtenir un licenciement pour inaptitude, générant des primes de licenciement et un droit aux indemnités chômage. Si une rencontre avec des responsables est proposée en cours de parcours, ou lors d'une éventuelle rencontre pour parler d'indemnités "compensatrices" de licenciement, ne pas hésiter à contacter un délégué du personnel pour être accompagné (le médecin du travail peut fournir les coordonnées du délégué).
Quand on n'a pas de syndicat vers qui se tourner et qu'on décide d'entamer une telle procédure seul-e dans le but de "guérir" et "réparer" la souffrance endurée, le chemin parait long, donc on avance au jour le jour et tout semble flou car on n'a pas toutes ces infos (ou après de longues démarches et de façon décousue).
J'espère donc qu'elles pourront aider.
Pour défendre le dossier, le médecin du travail, le délégué du personnel, le défenseur des Droits et le salarié peuvent s'appuyer là-dessus:
L'article L 4121-1 du nouveau Code du travail, met à la charge de l'employeur l'obligation de veiller à la santé physique et mentale des salariés. Il reprend le I de l'article L 230-2 et impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1º Des actions de prévention des risques professionnels ;
2º Des actions d'information et de formation ;
3º La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'article L 4121-1 dispose que l'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.