Page 1 sur 3

Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 29 déc. 2008 17:14
par Dan
:arrow: http://www.non-fides.fr/spip.php?article142" onclick="window.open(this.href);return false;

Deux poids, deux mesures
De l’onanisme en milieu militant.

Avec la même unanimité que l’on peut voir aujourd’hui pour encenser les emeutiers grecs, après les émeutes urbaines de 2005 en France, un cortège de communiqués ont condamné les violences. Les émeutiers, ici, sont des « irresponsables », des « inconscients » qui « se tirent une balle dans le pied » et se mettent « les leurs » à dos. Les leurs ? Voici le meilleur moyen de souligner la séparation entre « les militants » qui pondent leurs analyses tranquillement installés dans leurs sièges au coin du feu et ceux, que beaucoup d’entre eux s’amuse à appeler « les masses », qui eux s’insurgent en foutant le feu.

Suite à la mort de Bouna et Zied, la révolte était au mieux « compréhensible », mais ce n’était pas la « bonne » révolte, LA révolte « politisée » (celle qui aboutirait à la Révolution Sociale), et les cibles n’étaient pas les bonnes non plus ; foutre le feu oui, mais pas à l’école primaire de la ville, pas aux associations de « grands frères » chargées d’assurer la médiation, pas à la voiture du voisin prolétaire, pas à la bibliothèque du quartier, pas aux entreprises qui amènent « l’égalité des chances » dans les banlieues parce que faire « cela » revenait à un suicide politique.

Mais était-ce vraiment le choix des cibles qui démangeaient nos révolutionnaires franchouillards ? On se pose la question quand on voit les réactions de ces mêmes personnes lorsque le même type d’événements a lieu en Grèce , mais cette fois, lorsqu’ils sont « produits » par des personnes qui ajoutent un A cerclé et autres signes de reconnaissances tribaux sur les murs (comprenez : « par des gens déjà conscientisés »).

Dans le premier cas, il s’agit « d’irresponsabilité », dans l’autre, c’est « l’insurrection qui vient ». Ce qui semble cristalliser l’attention de nos révolutionnaires dans ces émeutes à l’étranger, c’est le folklore militant.
En effet, la France est un des pays où ont lieu le plus d’émeutes urbaines, et ce depuis le début des années 80 (depuis Vaulx en Velin en 79). Encore il y a peu, Vitry-le-francois, Roman-sur-Isere, Villiers-le-Bel, Grigny, La Courneuve, Les muraux etc. ont explosé. Mais personne aux balcons, finalement, c’est devenu si commun de se révolter dans les banlieues…
Seulement, dans ces milieux, l’exotisme règne. La France, ses banlieues pourries, ses « racailles obsédées par l’argent facile et le bizness » et sa « jeunesse dépolitisée » contre la Grèce, son soleil, ses îles fleuries et ses black blocs photogéniques.

Ces « analyses » militantes créent donc une hiérarchisation entre les explosions de rage régulières des banlieues et celles, plus sporadiques, comme à Oaxaca ou en Grèce. Ils reconnaissent donc à certaines populations le privilège d’être le ou les « sujets révolutionnaires », tandis que d’autres restent, à mot couvert, des avatars modernes du lumpenprolétariat, incapables d’aller au delà de la révolte. Car les révoltes, dans leurs esprits, ne sont bonnes qu’à être le prélude du Grand Soir, ou d’un hypothétique processus révolutionnaire, ce qui revient au même.

Une étrange compétition semble alors s’installer, entre ceux et celles qui ne feraient « que » cramer la voiture de leur voisin, l’école de leur petit frère ou le bureau de poste de leurs parents, et ceux qui ont déjà tout compris, ceux qui s’en prennent directement aux symboles du Pouvoir. Pourtant, les cocktails Molotov sont de même facture, et une école qui brûle reste une école qui brûle, d’Ithaque à Aubervilliers.

Il est bien plus facile pour un libertaire, un trotskiste ou n’importe quel autre gauchiste de s’identifier à un étudiant de classe moyenne, déjà actif dans les mouvements sociaux et surtout, affublé des mêmes symboles folkloriques qu’à un individu qui n’a pas la même « culture politique » et qui d’ailleurs n’a pas forcément attendu de lire l’intégrale de Bakounine pour foutre le feu à ce monde. La rage spontanée des pauvres, elle, n’a rien de folklorique ; elle n’est ni esthétique ni pompée d’un manuel commercialisé à la Fnac.

Dans les divers commentaires à propos des révoltes en Grèce, on a pu lire que le Pouvoir se chiait dessus, qu’il était à deux doigts de vaciller, que l’insurrection se propageait à vitesse grand V, et autres projections fantasmées. Faux, la révolte était somme toute balisée, elle est restée dans un cadre « classique », connu par les forces de l’ordre, et ce , quelque soit le nombre de banques cramées. Si l’insurrection venait vraiment, ce ne serait pas des grenades lacrymogènes que l’Etat enverrait, mais l’armée.
En 2005 par contre, peu après les premiers tirs en direction de la police et le relatif retour au « calme », une note interne des renseignements généraux décrivait la situation comme « insurrectionnelle ». En effet, dans cette note de huit pages de la D.C.R.G. nommée « crise des banlieues : violences urbaines ou insurrection des citées ? » on pouvait lire : « la France a connu sous forme d’insurrection non organisée avec émergence dans le temps et dans l’espace, une révolte populaire des citées, sans leader et sans proposition de programme » et ce, en totale contradiction avec leur ministre de tutelle de l’époque. La note rajoute : « aucune manipulation n’a été détectée, permettant d’accréditer la thèse d’un soulèvement généralisé et organisé ». Cette fois-ci, la France s’est véritablement chiée dessus, dans des proportions incomparables avec d’autres crises « politiques » comme le CPE. Le déploiement des hélicoptères de surveillance et les mesures de couvre-feu en témoignent. Le 8 novembre, De Villepin décrète l’Etat d’urgence, autorisant ainsi les préfets à mettre en place des mesures « exceptionnelles », alors même que le « calme » était peu à peu en train de revenir.

Le but de ce texte n’est pas de minimiser une révolte ou d’en maximiser une autre, mais de mettre les militants face à leurs contradictions. Pourquoi eux se permettent-ils de maximiser ou de minimiser, et selon quels critères ? Nous nous foutons des symboles, la seule chose qui importe dans une émeute, c’est la rage qui la guide, et non les « capacités pré ou post-révolutionnaires » de ceux qui la font [1]. Mais se réfugier dans le fantasme exotique d’une insurrection en Grèce permet de ne pas trop se mouiller ici, et de redorer un blason terni par des actes manquants. Pour nous, condamner une émeute de banlieue -sous un prétexte fallacieux ou un autre- équivaut à condamner une grève sauvage, une attaque de keufs ou l’incendie d’un centre de rétention ; c’est nier la révolte qui anime les enragéEs, en faisant d’eux des objets d’étude sociologique qui, pour se faire, doivent nécessairement adopter un point de vue extérieur et distant, voir condescendant. Assis au coin du feu, le révolutionnaire a tout le loisir de pondre d’imposantes réflexions qui feront autorité et montreront la voie à ceux qui eux, n’ont pas que ça à foutre.

Solidarité avec les incarcérés de 2005 comme de 2008.

[1] Il est évident par ailleurs que nous ne serons jamais solidaires d’une émeute conduite par des ennemis, ou par n’importe quel groupe ayant l’intention de s’emparer du pouvoir ou de commettre des massacres, cela va sans dire.

Extrait de Non Fides N°III, à paraitre en Janvier.

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 29 déc. 2008 20:57
par Mr Lourd
Très beau texte ! Bravo !

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 30 déc. 2008 12:09
par Laurent NTZine
Dan a écrit : Seulement, dans ces milieux, l’exotisme règne. La France, ses banlieues pourries, ses « racailles obsédées par l’argent facile et le bizness » et sa « jeunesse dépolitisée » contre la Grèce, son soleil, ses îles fleuries et ses black blocs photogéniques.
Je me rappelle bien que pendant les dernières émeutes en banlieue, si les mass-média français donnaient l'impression d'une révolte absolument non politisée, la consultation des mass-médias étrangers (les mêmes qui étaient stigmatisés par TF1 et consorts pour leur errance à placer Strasbourg et Toulouse sur une carte de France, et dont les analyses étaient de ce seul fait disqualifiées par avance) laissait entrevoir une politisation certaine. Les mass médias étrangers ont alors, à ma connaissance, été les seuls à offrir un espace de parole aux révoltés.

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 30 déc. 2008 14:07
par Doctor Louarn
Mouaif beaucoup de fantasmes derrière tout ça.

Si le mouvement de 2005 était une réaction légitime à la violence policière, ce qui est aussi le début du mouvement en Grèce, je pense que voir des gens ultra conscientisés parce qu'ils usent de la violence face à l'Etat est une erreur.

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 30 déc. 2008 14:14
par Dan
Doctor Louarn a écrit :Mouaif beaucoup de fantasmes derrière tout ça.

Si le mouvement de 2005 était une réaction légitime à la violence policière, ce qui est aussi le début du mouvement en Grèce, je pense que voir des gens ultra conscientisés parce qu'ils usent de la violence face à l'Etat est une erreur.
T'as rien compris au texte non?

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 31 déc. 2008 13:49
par Doctor Louarn
Oh si j'ai très bien compris!

T'as paut être pas compris que j'étais pas d'accord, non? :-)

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 31 déc. 2008 16:17
par Dan
Doctor Louarn a écrit :Oh si j'ai très bien compris!

T'as paut être pas compris que j'étais pas d'accord, non? :-)
Ben si t'as pas compris puisque tu nous sors qu'ont voit des gens "ultra "conscientisés" parce qu'ils usent de la violence face à l'Etat". C'est que t'as du rater un passage ou alors qu'on écrit comme des teubés ;) .

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 01 janv. 2009 11:13
par Béruarak
Pour les médias étrangers, c'était encore plus naze que les locaux, ça parlait d'émeute raciale et islamique...

On va pas demander à des clampins qui loin des préoccupations des gens des classes populaires d'avoir un avis compréhensif ou raisonné sur la question.

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 02 janv. 2009 7:38
par Asylum
En fait la question est peut etre, d'arrêter d'espérer que ces connards de journalistes sortent quelque chose d'intéressant un jour, sachant que le journalisme est, au jour d'aujourd'hui, au service de la bourgeoisie, de la classe dominante, etc, appelez ça comme vous voulez.

Re: Deux poids, deux mesures. De l’onanisme en milieu militant.

Posté : 02 janv. 2009 10:44
par Doctor Louarn
Penser que les gens sont conscients parce qu'ils usent de violence envers l'Etat est une erreur.