"Si voter changeait quelque chose, ça serait déjà illégal". Emma Goldman
C'est bien pour ça qu'on a empêché si longtemps aux femmes (et aux prolos de tout sexe) de voter, non ?
La plupart du temps, donc pas automatiquement, je vote. Quitte à glisser dans l'enveloppe le flyer d'un marabout qui assure le retour de l'être aimé en 24h et la réussite aux examens... (et cela ne veut pas dire que j'ai toujours voté "intelligemment" -certaines décisions me font toujours mordre mes doigts des années après, n'est-ce pas Niap ?).
Par contre je me garde bien de faire du prosélytisme pour le vote dans l'absolu (encore que cela dépende de la nature de l'élection).
Rappelons à ce stade qu'il ne faut pas confondre "Avoir le droit de vote et décider de ne pas l'exercer" avec "Ne pas avoir le droit de vote", et que la condition sine qua non pour être abstentionniste, c'est d'avoir le droit de voter. Il s'agit donc que tout le monde (tout habitant et/ou travailleur d'un pays, ayant ou non la nationalité) ait le droit de vote afin de pouvoir avoir le choix de l'exercer ou pas. Comme hier (certains) socialistes et (certains) anarchistes se battaient pour le droit de vote des femmes, il s'agit de se battre pour le droit de vote de tous et toutes. Et pour la reconnaissance du vote blanc.
Sur les élections US, je pense qu'il est nécessaire d'aller au delà de l'opposition médiatique entre "bons" démocrates et "méchants" républicains. D'abord parce que comme disait l'écrivain Norman Spinrad dans l'ChériBibi n°6, "aux USA, un type comme Sarkozy serait classé à gauche"... Donc mis à part Bernie Sanders, les candidats de gauche telle qu'on la conçoit grosso-merdo de ce côté de l'Atlantique, y'en a pas là-bas.
Et surtout, si Donald Trump a surpris tout le monde en étant élu la première fois, c'est bien parce que la bourgeoisie -étatsunienne mais pas que- n'a aucune idée de ce qu'est "l'Amérique profonde" :
- La majeure partie des afro-américains est très pauvre, ne vote pas ou très peu (en ce sens, la première candidature d'Obama fut exceptionnelle en terme d'implication de "nouveaux électeurs").
- La majeure partie des blancs pauvres a été abandonnée par la "New left" des années 60 au profit de "grandes idées générales" méprisant le quotidien des gens (ce qu'expliquait Boots Riley dans l'ChériBibi n°10).
- Tout est fait pour retirer aux classes populaires -notamment aux Afro-américains- leur droit de vote (ce qu'expliquait, bis repetita, Archie Shepp dans l'ChériBibi n°10). Lire entre autres
http://www.regards.fr/monde/article/eta ... s-de-voter,
https://www.nouvelobs.com/monde/l-ameri ... terms.html et
https://www.bbc.com/afrique/monde-54650381.
Et si je cite autant mon zine, c'est pas pour me la raconter (ou vous faire acheter les numéros -toujours dispo- qui vous manqueraient), mais parce que mes idées sur la "question étatsunienne" se sont forgées de rencontres avec... des Étatsuniens.
Bref, le système US compartimente les "communautés" : chacune a ses propres canaux d'information (chaînes TV, cinéma, séries, magazines, etc) et sa propre vision du monde, s'ignorant ou du moins ignorant la réalité du voisin de palier (au sens large vu l'ampleur géographique du pays).
Les États-Unis est un pays très jeune, entièrement construit par des vagues successives d'immigrations le plus souvent forcées (dans le désordre : bagnards et proscrits anglais, Irlandais puis Italiens puis Mexicains fuyant la misère, esclaves africains déportés, sectes chrétiennes persécutées, juifs fuyant les pogroms, Russes puis Cubains puis Iraniens fuyant les révolutions de leur pays respectifs, etc etc) avec une extermination très rapide et quasi complète des peuples indigènes. L'indépendance américaine, fierté nationale, ne fut qu'une réaction à l'abolition de l'esclavage par l'Angleterre de Georges V... abolition qui mettait à mal l'économie de la jeune colonie.
Bref, un bourbier pire que le Vietnam s'étalant sur 300 ans, tenu à peu près en un seul morcif par une Constitution sacralisée édictée au temps des cowboys. La loi du Talion, vue comme divine, étant majoritairement plébiscitée par l'industrie du spectacle (à la fin, le méchant est puni, quasi systématiquement de manière létale). Le Bien contre le Mal à la truelle (alors qu'en fait, comme le disait Spinrad dans l'Chéri cité, "la vraie lutte historique oppose deux visions du bien différentes").
Sur ce territoire immense, la réalité quotidienne d'un paysan du Texas n'a rien à voir avec celle d'un Afro-américain des faubourgs de L.A qui n'a rien à voir avec un hipster de Manhattan qui n'a rien à voir avec... etc etc.
Trump n'a fait qu'accentuer la fracture entre tous ces Étatsuniens loin d'être unis. Mais celle-ci existait depuis toujours, et oui, la critique "trumpiste" des deux côtes (Est et Ouest) prétendant représenter le visage des États-Unis, est hélas très juste. Hollywood et Washington à l'Ouest, NY à l'Est exportent à l'international leurs visions très partiales et partielles du pays.
C'est bien pour ça, puisqu'on est sur un forum "punk", que des groupes texans tels The Dicks ou Big Boys par exemple (cf l'article de Maz dans l'Chéri n°2), sont hyper intéressants : ils causent d'une des parties "lumpenisées" du pays. Pareil pour un type comme Eminem sur le lumpen urbain de Détroit. On peut lui préférer maintes autres rappeurs, mais il a exprimé une réalité comme bien peu l'ont fait, même si elle n'est pas toujours à notre convenance. Et si s'intéresser à la country n'est pas "branché", celle-ci révèle pourtant autant des États-Unis que le blues du Mississipi.
L'Européen "moyen" (si tant est qu'un tel concept existe) en visite aux USA est en général très vite abasourdi du faible niveau de culture générale de l'Étatsunien "moyen". En clair, il est très facile de se moquer d'une nation d'incultes qu'on mettrait à l'amende au Trivial Pursuit. Des films comme
Delivrance ou
Easy Rider -parmi tant d'autres- nous donnent à voir des rednecks au QI d'une asperge... Mais qui a fait ces films ? Des intellectuels des grandes villes ? Banco !
Est-ce à dire qu'ils ont entièrement tort dans leur portrait d'une Amérique "white trash" ? Pas forcément.
Reste que c'est un peu comme si on résumait tous les Turcs à ceux de
Midnight Express...
A ce titre, un film comme le premier
Rambo est sans doute plus juste (bah oui). Et un chanteur-parolier comme Springsteen plus intéressant à bien des égards qu'un Dylan (bah oui). Même si je n'apprécie ni l'un ni l'autre.
Car qui s'est vraiment intéressé au sort des bouseux des "terres intérieures" ? Personne ou du moins pas grand monde. La classe ouvrière blanche a été abandonnée par les militants progressistes de toute nature. A par des exceptions historiques comme les Black Panthers qui ont forgé des alliances "contre nature" avec les Young Patriots. Mais les Black Panthers furent justement une exception ô combien formidable de lucidité politique (dont nous devrions tous nous inspirer, partout dans le monde).
Désolé, je pourrais en causer des heures car ce pays est fascinant, y compris dans ses aspects les plus horribles. Et il a façonné nos imaginations en exportant sa culture populaire comme sa culture de masse (du jazz des années 20 aux blockbusters actuels). Reste que si, pétrit d'un dédain bien-pensant, l'on ne se penche pas sur les frustrations réellement populaires (issues du peuple) qui ont permis à Trump d'accéder au pouvoir, on loupera le coche de toute analyse constructive. Et cela pourra arriver partout.
EDIT : Sur ma lancée, j'ai revu l'intervention ci-dessus pour en faire un post sur le Chéribiblog (www.cheribibi.net), sûrement bien moins lu que ce forum mais que j'essaye de faire vivre malgré tout (n'ayant pas -et ne voulant pas- de page Facebook). Bref, j'y ai précisé ma pensée sur les élections américains avec quelques modestes modifs (notamment quant à la teneur exacte des citations). Par conséquent, je ne saurais que trop vous inciter à exprimer vos désaccords ou accords ici même, mais également à alimenter les -trop rares- commentaires du Chéribiblog. c'est un voeu peut-être pieux, mais ça ferait plaisir : Internet ne jure plus que par les réseaux asociaux, moi non. Et je tiens à ajouter que l'album Frankenchrist est le meilleur des DK !