[Brochure] Qui a tué Ned Ludd?

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Jul
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Re: [Brochure] Qui a tué Ned Ludd?

Message par Jul » 28 nov. 2008 10:25

:sm3: merci enfin un post que je peux comprendre! :sm26:
Bon par contre je crois que ce n'est plus franchement le sujet de départ... on va se faire taper sur les doigts par les ouebmaitres, ... tant pis :proy:
Louna a écrit :Donc, en France, avant 1789, c'était pas aussi terrible qu'on veut nous le faire croire. Les ouvriers comme on l'entend aujourd'hui n'existaient pas. Les travailleurs se regroupaient entre eux et proposaient leur condition de salaire. Exemple : il faut construire cette maison, on vous la construit pour tant d'écu. Les paysans vivaient sur les terres, ils devaient cultiver certes une partie des terres pour le seigneur, mais sur tout le reste ils pouvaient y cultiver ce qu'ils voulaient.
A vérifier mais la notion "d'ouvriers indépendants" semble plutôt se référer au compagnonage. Là les compagnons avaient en effet suffisamment de pouvoir pour sinon fixer au moins négocier les conditions de travail de leur(s) profession(s). Ils peuvent être vus comme un embryon de syndicat ouvrier, et aussi comme le fondement du maçonnisme.

Pour les paysans par contre, et même si une majorité s'en est déjà affranchie lorsqu'arrive 1789, la condition paysanne du moyen-age au XVIII° est surtout marquée par le servage dont la définition est nettement moins rose. Certe le serf doit une quantité de travail gratuite à son seigneur, mais surtout il lui appartient physiquement.
C'est entre autre par exemple le "droit de quittage" qui contraignait les parents à verser une somme aux seigneurs si leur enfant venait à se marier en dehors de la seigneurie. Contrairement à l'esclave le serf est une personne juridique, mais la différence s'arrête peu après. Effectivement quand ils n'étaient pas astreints à labourer pour leur propriétaire ou à faire la guerre en leur nom (dans la piétaille de première ligne ou l'intendance, hein, rarement dans la cavalerie), il leur restait le droit de faire leur potager ou plus s'ils en avaient la force et l'envie...
Louna a écrit :Peu avant 1789, les bourgeois n'avaient plus d'argent et se sentaient de plus en plus oppressés, c'est de leur fait que la révolution a pu exister.
Elle aurait été plus difficile contre eux peut être, mais historiquement c'est surtout le basculement du bas clergé lors des états généraux de 1789 qui a lancé le processus concrêt de renversement de la monarchie. Ceci dit avant 1789 tous les bourgeois n'étaient pas sur la paille. Certain se débrouillaient bien et rachetant des charges ouvrant droit à l'annoblissement (la "noblesse de robe") quittaient de fait le statut de bourgeois. Du coup on peut dire par extension que la bourgeoisie était modeste, vu qu'elle n'était composée que de ceux qui n'étaient pas assez riches pour devenir noble.
Louna a écrit :C'est à partir de la prise de la bastille que les têtes ont réellement commencé à tomber, jusque là les guillotines n'avaient pas vraiment servi, même pas une dizaine de têtes. ;)
Ah oui mais ça c'est surtout parceque les guillotines ont précisément été mises en place par la révolution:
Wikipédia a écrit :La méthode de décapitation mécanique est préconisée dans deux discours à l’Assemblée constituante les 10 octobre et 1er décembre 1789 par le docteur Joseph Ignace Guillotin, qui considérait cette méthode comme plus humaine que la pendaison ou la décapitation à l’aide d’une hache. [...]
Le 6 octobre 1791, l’Assemblée législative vote une loi déclarant que « tout condamné à mort aura la tête tranchée ». L’appareil fut testé à l’Hospice de Bicêtre. Mais, en l’absence de plans précis pour la construction de la machine, la suggestion de Guillotin, bien qu’initialement soutenue par Mirabeau, mettra plus de deux ans à entrer en application.
Louna a écrit :En tout premier lieu, les bourgeois qui avaient pris le pouvoir, aidés des paysans et des anarchistes, se sont empressés de faire fonctionner les guillotines, et des centaines de têtes sont tombées, et parmi elles beaucoup d'anarchistes, accusés de foutre le bordel.

Arrive les droits de l'homme, et tout y est. La propriété. Le droit à une identité : et oui, avant la révolution les papiers n'existaient que pour les riches. Le droit à une identité, un nom, des papiers, c'est la révolution qui a amené ça, ça a été une revendication forte des révolutionaires : on veut des papiers, on veut une identité !
Et interdiction de se regrouper entre travailleurs, dans un esprit d'égalité : permettre au salarié de pouvoir parlementer d'égal à égal avec le patron. Donc dans les premiers temps, les gens n'avaient plus le droit de se regrouper.

Puis à partir de 1800 et quelques je suppose que ça rejoint l'angleterre, les syndicats pour en arriver aux associations loi 1901 cent ans plus tard.
Arrgh! pas le temps de traiter, mais.... peut-être peux tu juste jeter un oeuil sur l'histoire de la révolution française en commençant par un truc résumé (wikipédia ou autre) pour zoomer ensuite sur les parties qui t'interessent. C'est une énorme période de confusion, de violence, de génie et d'horreur, de lumières et d'ombres. Il y en a pour des jours et beaucoup des aspects des évènements 89/94 (voir même 1789-1804) sont sujets à une lecture politique. Il vaut donc mieux que tu construise ton opinion par toi même là dessus.
Louna a écrit :C'était un cours intéressant, si quelqu'un a des infos autour de ça, je suis preneuse
M'est d'avis que ça ne va pas manquer... :lecture:
Ils sont parmi nous, nous sommes parmi eux...

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Re: [Brochure] Qui a tué Ned Ludd?

Message par decad-act » 28 nov. 2008 15:50

Je me rappelle même avoir lu un texte d'un primitiviste de chez l'oncle Sam qui pronait le retour à un stade pré-langage. Il voyait le langage comme étant néfaste et une première oppression, et que pour être vraiment libre il fallait que la communication orale cesse entre les hommes. Il concluait en disant que ce n'était pas trop grave qu'on ne cause pas car cela permettrait aux gens de développer des communications plus sincères et non coercitives basées sur la télépathie...
En ce qui concerne les anarcho-primitivistes sur le langage, je trouve qu'ils sont complètement idéalistes. Il est impossible "d'abolir le langage" autrement que par la force. Si eux veulent se prendre pour des bonobos, grand bien leur fasse, mais on ne pourra empêcher l'humain de parler.
" ach ! nous avons les moyens de vous faire parler ".
Peut être une catastrophe nucléaire ou écologique type " planète des singes ". :-)
Mais sinon je ne vois pas.

En revanche il est clair qu'il y a quelque chose de totalitaire ou au moins de violemment coercitif dans le fait de ne concevoir le langage que comme une sorte "d'impératif catégorique" dans la manifestation de la communication et du social.
Il est même très clair que le langage comme "impératif de communiquer" est un truc qui fait bander les publicitaires, journa-flics et autres autoritaires.

Ce que je trouve plus intéressant par contre, que le primitivisme ( et l'anti-linguistique ) c'est ce que dit Hackim Bey dans TAZ, in l'Annexe 1 " la linguistique du chaos " , qui rejoint les questions que posent Derrida etc.
Bien que ce soit tinté du délire anarcho-nietzschéen à la foucault sur " la volonté de puissance " ( concept que je trouve vaseux ), la reflexion dans ce passage est d'une grande pertinence.
Mais revenons à Saussure et à ses notes, publiées à titre posthume, sur les anagrammes dans la poésie latine: nous y trouvons quelques allusions à un processus échappant, d'une certaine manière, à la dynamique signe/signifié. Saussure s'est trouvé confronté à la suggestion d'une sorte de métalinguistique qui se produit à l'intérieur du langage, et non pas issue d'un impératif catégorique imposé de l'extérieur. Dès que le langage se met à jouer, comme dans les poèmes acrostiches qu'il a étudiés, il entre en résonance - une résonance dont la complexité s'auto-amplifie. Saussure a tenté de quantifier les anagrammes, mais ses statistiques lui échappaient (comme si quelque équation non linéaire intervenait). Il voyait des anagrammes partout, même dans la prose latine, et commençait à se demander s'il n'avait pas des hallucinations - ou si les anagrammes relevaient d'un processus conscient naturel de la parole. Il abandonna le projet.
Je me pose la question: si ces données étaient digérées par un ordinateur, parviendrions-nous à modéliser le langage en terme de systèmes dynamiques complexes? Alors les grammaires ne seraient pas innées, mais émergeraient du chaos comme des «ordres supérieurs» évoluant spontanément - au sens de l'«évolution créatrice» de Prygogine. Les grammaires pourraient être des «attracteurs étranges», comme le motif caché qui est la «cause» de l'anagramme - des motifs qui sont réels mais n'ayant d'«existence» que par la manifestation de sous-motifs. Si le sens est insaisissable, c'est peut-être parce que la conscience elle-même, et donc le langage, est fractale.
Je trouve cette théorie bien plus anarchiste que l'antilinguistique ou la conception de Chomsky. Elle suggère que le langage dépasse la représentation et la médiation, non parce qu'il est inné, mais parce qu'il est chaos. Elle suggère que toutes les expériences dadaïstes (Feyerabend qualifiait son école d'épistémologie scientifique d'«anarchiste-dada»), la poésie sonore, le geste, les cut-ups, les langages d'animaux etc. - tout cela concourrait non pas à découvrir ou à détruire le sens, mais à le créer. Le nihilisme désigne obscurément un langage créant «arbitrairement» du sens. La linguistique approuve joyeusement, mais ajoute que le langage peut dépasser le langage, que du déclin et de la confusion tyrannique de la sémantique, il peut créer de la liberté.
" Foule n'est pas compagnie, et les visages ne sont alors qu'une galerie de portraits " Francis Bacon.

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