juste pour amener un peu d'eau au moulin, en éspérant que certains arrêteront de se braquer sur cette stratégie politique (et pas que...) de non -mixité, un petit extrait d'un texte de Christine Delphy, une chercheuse/féministe non-essentialiste qui écrit des trucs pas toujours super faciles d'accès mais hyper intéressants (voir
Classer, Dominer à La Fabrique, recueil de petits textes hyper bien, et
L'ennemi intérieur pour aller plus loin...) :
La non-mixité choisie
La pratique de la non-mixité est tout simplement la conséquence de la théorie de l’auto-émancipation. L’auto-émancipation, c’est la lutte par les opprimés pour les opprimés. Cette idée simple, il semble que chaque génération politique doive la redécouvrir. Dans les années 1960, elle a d’abord été redécouverte par le mouvement américain pour les droits civils qui, après deux ans de lutte mixte, a décidé de créer des groupes noirs, fermés aux Blancs. C’était, cela demeure, la condition
- pour que leur expérience de discrimination et d’humiliation puisse se dire, sans crainte de faire de la peine aux bons Blancs ;
- pour que la rancœur puisse s’exprimer – et elle doit s’exprimer ;
- pour que l’admiration que les opprimés, même révoltés, ne peuvent s’empêcher d’avoir pour les dominants – les noirs pour les Blancs, les femmes pour les hommes – ne joue pas pour donner plus de poids aux représentants du groupe dominant.
Car dans les groupes mixtes, Noirs-Blancs ou femmes-hommes, et en général dans les groupes dominés-dominants, c’est la vision dominante du préjudice subi par le groupe dominé qui tend à… dominer. Les opprimés doivent non seulement diriger la lutte contre leur oppression, mais auparavant définir cette oppression elles et eux-mêmes. C’est pourquoi la non-mixité voulue, la non-mixité politique, doit demeurer la pratique de base de toute lutte ; et c’est seulement ainsi que les moments mixtes de la lutte – car il y en a et il faut qu’il y en ait – ne seront pas susceptibles de déraper vers une reconduction douce de la domination.
Ce petit extrait (trouvé
ici) rapelle notamment que la non-mixité a été un élément très important de la dite
lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, et j'invite ceux qui auraient toujours du mal à visualiser la chose à lire des trucs sur l'histoire du Black Panthers Party (pourquoi pas le petit bouquin qorti par l'Echappée ? pas génial, mais court et concis...) pour transposer la thématique sur un terrain plus
consensuel parce que forcément le féminisme et l'anti-sexisme ça touche à des trucs beaucoup plus intimes et ancrés en nous que l'anti-racisme, sur un forum ou j'imagine (dites-moi si je me plante) on est une grosse majorité de blanc-he-s.
(je précise que je suis un mâle hétéro, juste pour dire d'où je parle, c'est à dire que je me cherche à me renseigner, à comprendre, à chercher des pistes, à m'inspirer, notamment dans les pratiques politiques de mes amies...)
Bien sûr ça semble dur à plein de gens pas recréer des processus identitaires quand on se bat contre des opressions aussi fortement ancrées que sexisme ou racisme, et en même temps fabriquer des
identités, des
milieux, etc, c'est pas ce qu'on fait souvent et plus ou moins consciemment, en évoluant dans des
scènes, des groupes de potes, en se créant des private jokes, des complicités, des codes vestimentaires, une culture commune, etc ? Je pose la question parce que ça m'intéresse de savoir ce que vous en pensez, hein, pas de jugement péremptoires là-dedans d'autant que je connais pas grand-monde ici...
(ça n'a rien à voir mais je crois bien que le mac du HxC baise des crânes quand il ne sniffe pas de colle en écoutant du snot-punk phallocrate...
en vrai mec on est pas du tout d'accord et j'ai pas l'intention de te convaincre ici on en parlera dans une réalité alternative au ouaibe ok ? )
Nous rêvons à d'autres choses, plus clandestines et plus gaies.